Pour un établissement qualifiant

6.7  Miser sur les apprentissages tant formels que non formels et informels

Les apprentissages réalisés dans les activités de formation pour le travail et dans les activités de formation par le travail se retrouvent sur un continuum entre des apprentissages de nature formelle et des apprentissages de nature informelle. Ce continuum est établi en fonction de quatre caractéristiques : le contrôle de la démarche; l’emplacement et le cadre des activités; le but et le contenu. Voici un tableau qui les illustre.

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Caractéristiques des apprentissages

Caractéristiques

 

Apprentissage formel

 

Apprentissage informel

Contrôle de la démarche

Par un formateur qui apporte le soutien et évalue les acquis selon ses critères.

Par l’employée ou l’employé qui reçoit un soutien de son entourage et de ses réseaux sociaux et évalue ses apprentissages selon son niveau de satisfaction.

Ex. : une session de formation donnée par un conseiller pédagogique.

Ex. : une discussion spontanée à la suite d’une session de formation dans une salle commune en présentiel ou par Internet.

Emplacement et cadre

Dans un lieu et à un moment spécifiquement dédiés pour la formation (salle de classe, salle de formation…).

Dans un lieu et à un moment dédiés à une autre fonction que l’apprentissage et la formation (couloir, salle de rencontre, réseaux d’échanges…).

Ex. : dans un local institutionnel.

Ex. : dans la salle du personnel.

But

La finalité d’apprentissage est déterminée par une instance et est la raison première de l’activité.

La finalité d’apprentissage est déterminée souvent implicitement par l’employée ou l’employé et peut être un motif secondaire de l’activité.

Ex. : implantation d’une nouvelle approche d’enseignement de la lecture.

Ex. : résolution d’un problème.

Contenu

Le contenu abordé et le résultat d’apprentissage escompté sont déterminés par une instance.

Le contenu abordé et le résultat d’apprentissage escompté sont déterminés par l’employée ou l’employé.

Ex. : une nouvelle politique à implanter.

Ex. : une amélioration dans ses façons de faire.

Inspiré de Wihak et Hall (2008)

Dans ce continuum, entre les pôles formel et informel, plusieurs auteurs insèrent des apprentissages dits non formels, car certaines de leurs caractéristiques peuvent être de nature formelle et d’autres de nature informelle (Observatoire compétences-emplois, 2013).

Illustration

Une communauté de pratique en enseignement du français initié par un service régional dans le but de soutenir le développement de la littératie. Cette communauté est animée par une intervenante du service. Des enseignantes et des enseignants de diverses provenances y participent de façon régulière en fonction d’un calendrier et dans des lieux préétablis.   Les sujets abordés dans la communauté sont décidés par ses participantes et ses participants qui déterminent aussi comment ils le seront. Cette activité se retrouve à mi-chemin entre l’apprentissage totalement formel et l’apprentissage totalement informel.

Apprentissage non formel, ses caractéristiques

Contrôle du processus et de la démarche

oui

Emplacement et cadre

non

But

non

Contenu

oui

De plus en plus, les organisations introduisent des activités d’apprentissage nonformel dans l’environnement d’apprentissage qu’elles créent estimant qu’elles sont plus performantes au regard du transfert : coaching, communauté de pratique, codéveloppement professionnel… Dans les écoles, les services régionaux et les réseaux scolaires, la tendance à l’implantation de communautés d’apprentissage et de communautés d’apprentissage professionnel correspond bien à cette mouvance.

Au-delà des distinctions théoriques à faire entre les trois types d’apprentissages, la question pour le pilotage est de veiller à ce que le travail des enseignantes et des enseignants ainsi que des autres personnels suscite chez eux des apprentissages qui produiront des changements effectifs dans leur pratique. Nous avons vu qu’un modèle fondé sur la formation pour le travail, recourant uniquement à des activités de nature formelle, a peu d’impacts à moyen et à long terme sur les pratiques, et ce, particulièrement pour des pratiques complexes comme celles de l’enseignement. Le travail lui-même s’avère être une source de développement du savoir agir en contexte. Trop souvent, les initiatives de formation sont isolées les unes des autres et ne s’inscrivent pas dans la recherche d’un environnement d’apprentissage global.

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Illustration

Un service régional pour soutenir l’implantation de novelles pédagogies mène un programme de formation à l’enseignement stratégique. Sur le plan formel, des activités s'adressant à des enseignantes et des enseignants volontaires et s’échelonnant sur trois années sont tenues. Ces activités comportent des présentations théoriques et de prises de recul sur la pratique.  De façon non formelle, les participantes et les participants peuvent organiser avec un conseiller pédagogique ou une enseignante ressources des rencontres d’accompagnement pour les soutenir dans le transfert en classe. Ils peuvent aussi échanger sur leur pratique à partir de forums Internet. S’ajoutent des rencontres de supervision avec les directions qui les invitent à faire le point sur leurs démarches et leurs apprentissages et explorent avec eux, au besoin, des modalités complémentaires de soutien. Finalement, de façon informelle, les participantes et les participants ont la possibilité de consulter des documents complémentaires accessibles sur Internet.

Contre exemple

Dans un centre de formation professionnelle, quatre enseignants suivent des cours dans le cadre du baccalauréat en formation professionnelle. La direction ne connaît pas les thématiques de leurs cours et ne discute pas avec eux pour stimuler le transfert des apprentissages dans leur enseignement; d’ailleurs, personne de l’établissement ne le fait. Leurs collègues ne sont pas informés du contenu de leur formation. Il n’y a pas de moments d’échanges avec eux sur leurs apprentissages. Tout cela, comme si cette formation formelle extérieure à l’établissement ne concernait pas les pratiques dans l’établissement et ne pouvait pas représenter des occasions de partage et de construction de savoirs pour ses actrices et ses acteurs.

Ces mesures ont toutes en commun de promouvoir des situations à partir desquelles il est possible d’apprendre. Elles se présentent comme des situations potentielles d’apprentissage. L’individu a la possibilité de développer ses capacités et son pouvoir d’agir grâce aux ressources qui lui sont proposées – travail collaboratif, pratiques réflexives ou réfléchies, tutorat, explicitation du travail, formation, etc.

Il arrive également que des individus puisent des ressources dans l’environnement qui est le leur sans que celles-ci aient été pensées en ce sens. Les pratiques d’entraide et d’échanges informels en sont une bonne illustration. Il est donc possible d’affirmer que le potentiel capacitant des environnements de travail ne réside pas uniquement dans des espaces organisés, mais également dans les espaces informels de l’organisation. (Fernagu-Oudet, 2012, p. 212)