Pour un établissement qualifiant

6.4  Susciter une autorégulation des actions

Le pilotage de l’établissement est une affaire de régulation d’un fonctionnement en boucles en vue de l’atteinte des destinations établies, soit les résultats visés. Ainsi, une recherche d’efficacité est réalisée à travers des boucles rétroactives de retour d’informations entre les résultats obtenus, les actions accomplies, les intentions poursuivies et les analyses de situation réalisées; ces boucles étant source d’adaptation organisationnelle(Bouvier, 2009). Par exemple, un établissement interrogera ses actions d’encadrement des élèves à la lumière d’un écart entre les cibles de diminution des références d’élèves pour des comportements inacceptables et le nombre effectif de références obtenu afin d’explorer des correctifs à apporter.

Qu’en est-il de l’efficacité individuelle des actrices et des acteurs? Pour eux, qu’ils soient enseignantes, enseignants ou autres, la recherche de l’efficacité de leurs actions recourt au même type de fonctionnement en boucles rétroactives. Par de telles boucles, ils interrogent des résultats insatisfaisants au regard des actions qu’ils accomplissent, de leurs intentions et des analyses préalables qu’ils ont réalisées. Ces interrogations mèneront, si jugées nécessaires, à des ajustements dans leur processus d’action pour réduire les écarts entre les résultats visés et les résultats obtenus. Dans un retour à soi, à ses actions, à ses intentions et à ses compréhensions de situation, à travers une auto-observation de sa pratique et de ses résultats, l’individu et l’équipe créent une ouverture aux changements de pratique. Cette ouverture aux changements à travers une autorégulation est essentielle à l’apprentissage. Sans une disposition à l’autorégulation, il n’y aura pas d’apprentissage et toute activité de formation, quelle que soit sa forme, demeurera caduque.

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L’existence d’un but clairement posé définit une condition nécessaire à l’exercice du contrôle, mais celui-ci ne deviendra effectif que si l’apprenant est capable de prendre conscience de son fonctionnement en observant sa propre conduite, puis de porter un jugement sur la qualité de ce fonctionnement. S’autoréguler implique ainsi de mettre soi sous analyse, de s’auto-observer, de développer un regard critique sur son propre fonctionnement qui permet de juger le travail accompli et… de changer le fonctionnement mis en œuvre.  (Cosnefroy, 2011, p. 17)

Partant de l’illustration ci-dessus du processus d’action, observons cette dynamique d’autorégulation chez un individu ou même dans un groupe. Si, à la suite des actions accomplies, les résultats escomptés ne sont pas au rendez-vous et qu’un écart entre ses intentions initiales et les résultats obtenus apparaît, il y a une incohérence entre ce que l’individu ou le groupe estimait pouvoir obtenir et ces résultats observés. Au regard de l’efficacité d’action, il y a erreur d’action entre la compréhension de la situation initiale, les résultats recherchés, les actions exécutées et les résultats obtenus.  Sur ce plan cognitif, une dissonance apparaît entre le savoir d’action mis en actes (la théorie ou le modèle d’action) et le constat de l’inefficacité des actions accomplies. Cette dissonance cognitive crée un inconfort et un déséquilibre chez l’individu ou le groupe. Il y a alors un effort, par des mécanismes d’ajustement plus ou moins conscient, pour rétablir cet équilibre soit :

En justifiant les résultats obtenus;

Attribution de l’écart observé à une cause extérieure à ses actions en tant que telles :

une circonstance exceptionnelle, un manquement de la part des élèves, d’autres enseignantes et enseignants ou même de leurs parents, un contexte de travail trop contraignant…

Au nom d’une justification, l’individu recrée un équilibre interne en attribuant la défaillance de l’action hors de lui sans interroger sa propre efficacité d’action et sa théorie d’action. Il attribue une faute, à tort ou à raison, en dehors de lui et ne se reconnaît pas en erreur d’action. 

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En s’efforçant d’apporter des modifications au processus d’action.

Attribution de l’écart observé à une erreur dans son propre processus d’action :

une action mal accomplie, des intentions irréalistes, une mauvaise compréhension de la situation…

En s’attribuant, en totalité ou en partie, la responsabilité de la défaillance de l’action, l’individu s’efforcera de reconstruire un savoir d’action et apportera des modifications à l’une ou l’autre des composantes de son processus d’action.

Cosnefroy (2011, p. 26) indique que l’ouverture à l’autorégulation des actrices et des acteurs à une remise en cause de leurs processus et théorie d’action est variable, car elle est le fruit « d’une transaction entre le sujet doté d’une personnalité et porteur de compétences, et une situation donnée »; transaction où jouent à la fois le sentiment d’efficacité personnelle, la motivation à apprendre et les conditions facilitantes en place dans l’environnement de travail et d’apprentissage.

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Un pilotage du sous-système de l’intelligence organisationnelle vise à créer un environnement de travail qui soit aussi un environnement d’apprentissage. Dans un tel environnement, les actrices et les acteurs, en tant que sujets apprenants, transigent de façon ouverte, consciente et créatrice avec leurs situations de pratique pour choisir les actions appropriées aux résultats recherchés. Lorsque ces résultats ne se produisent pas, ils sont incités et soutenus à reconnaître les erreurs d’action et à explorer de nouvelles pistes d’actions.

Passer de l’inefficacité à l’efficacité soulève l’épineuse question du changement. Le praticien qui avoue son inefficacité dans une ou plus d’une situation donnée reconnaît par le fait même les limites de son modèle d’action. Le praticien, dirons-nous, vit alors une crise. Toutefois, la notion de crise n’est pas uniquement utilisée ici pour désigner la catastrophe ou une très grande instabilité, comme c’est souvent le cas dans l’usage qu’on en fait habituellement. Elle demeure néanmoins la manifestation d’un déséquilibre, d’un désordre et même de l’absence de solutions (Morin, 1976; Thom, 1976). Les praticiens qui viennent réfléchir sur leur modèle d’action dans nos ateliers de perfectionnement ne se trouvent pas toujours dans des situations d’inefficacité graves. Cependant, tous vivent une insatisfaction suffisamment importante, dans une ou des situations professionnelles données, pour qu’ils décident de corriger la situation. (Bourassa, Serre, Ross, 2000, p. 87)

 

Les pilotes « jardiniers » préoccupés de l’efficacité de leur établissement auront à créer un environnement de travail non seulement propice aux remises en question en fonction des résultats obtenus, mais qui offrira aussi aux individus et aux groupes des conditions favorables à l’exploration des zones d’ombre de l’inefficacité suscitant leur motivation à apprendre en protégeant, un tant soit peu, leur sentiment d’efficacité personnel et collectif. La création de cet environnement d’apprentissage interpelle tous les sous-systèmes de pilotage:

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Des outils pour le pilotage

Sous-systèmes de pilotage

Conditions de l’environnement d’apprentissage

Finalisation

L’action à réguler et les apprentissages à réaliser s’inscrivent dans un projet significatif pour les actrices et les acteurs. Au nom d’un tel projet, ils accepteront de prendre le risque d’interroger l’efficacité de leurs actions et d’expérimenter des voies nouvelles.

Communication organisationnelle

La présence de réseaux et d’activités de partage, d’entraide, de collaboration et de soutien offrant l’accès à des ressources (savoirs) et permettant le questionnement, l’émergence de recadrage des défaillances observées et la recherche d’améliorations.

Décision

Des processus décisionnels transparents permettant la construction d’un sens partagé face aux choix d’actions à mener et aux activités d’apprentissages à réaliser; cette construction se faisant à travers diverses modalités de participation et des exercices de traduction des enjeux et des contingences en présence.

Évaluation

Une évaluation qui permet aux actrices et aux acteurs de construire individuellement et collectivement un jugement sur les actions accomplies et les résultats obtenus en fonction de signes de succès préalablement convenus et qui peuvent se redéfinir en cours de réalisation. Cette évaluation se réalise tant aux termes des actions pour tirer des leçons qu’en cours d’expérimentation pour apporter des correctifs, chemin faisant. Ce sont les évaluations, formelles ou même informelles, qui font apparaître un besoin d’apprentissage.

Veille Un dispositif de veille qui livre des informations sur les actions menées et les résultats obtenus à partir de données recueillies. Ces informations alimentent la réflexion sur l’action.

 

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