Pour un établissement apprenant

6.11  Exercer un pilotage jardinier

Selon Garvin (1993), les entreprises intelligentes - nous pourrions dire les établissements intelligents - pilotent de façon active leur processus collectif d’apprentissage  à travers cinq principales activités :

  • la résolution des problèmes rencontrés;
  • l’expérimentation et l’innovation;
  • les prises de recul à partir des expériences vécues et des enseignements du passé, et l’apprentissage à partir de sa propre expérience et de son histoire;
  • l’exploration des expériences et des succès des autres (l’organisation apprenante cultive l’art de l’écoute ouverte, attentive et critique);
  • le transfert des connaissances à travers l’organisation (Garvin, 1993).

« Les pilotes qui cherchent à développer cette capacité intellectuelle collective de création, d’apprentissage et d’adaptation » (Burlaud, 2009, p. 25) viseront à créer, dans leur établissement, un environnement de travail qui soit aussi un environnement d’apprentissage pour les enseignantes et les enseignants ainsi que pour les autres membres de leur personnel. Dans un tel environnement, la participation et les interactions suscitent chez eux un investissement personnel et collectif, par lequel ils pourront, selon Davel et Tremblay (2011), développer :

  • leur volonté et leur capacité d’apprendre;
  • leur capacité d’analyse des succès et des échecs pour tirer des leçons et s’améliorer;
  • leur capacité à saisir rapidement les aspects fondamentaux d’une situation;
  • leur disposition à essayer des approches nouvelles et à tenter différentes solutions pour résoudre des problèmes.

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Avec Morgan (2003), nous reconnaissons l’ampleur des transformations organisationnelles à opérer pour qu’un établissement devienne apprenant et produise un tel environnement de travail et d’apprentissage pour le travail, mais surtout par le travail.

L’apprentissage et l’auto-organisation exigent en général que l’on modifie des attitudes, que l’on privilégie la primauté de l’initiative sur la passivité, de l’autonomie sur la dépendance, de la souplesse sur la rigidité, de la collaboration sur la concurrence, de l’ouverture de l’esprit sur son étroitesse, et du questionnement démocratique sur la croyance autoritaire. Pour beaucoup d’organisations, cela exige un « changement de personnalité » qui demande un temps considérable pour s’organiser. (Morgan, p. 118)

Ce même auteur (2003) énonce des freins – des routines défensives - et des leviers suivants avec lesquels les pilotes ont à composer pour développer cet environnement et l’intelligence organisationnelle.

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Le pilotage du sous-système de l’intelligence organisationnelle vise à créer – jardiner- un environnement qui suscite et soutient une autorégulation des pratiques, laquelle autorégulation est reconnue essentielle aux apprentissages professionnels et organisationnels.  Une diversité de modalités et d’activités d’apprentissage pour et surtout par le travail y prennent place afin de susciter, chez les individus et dans les groupes, des boucles de retour à soi- à nous-, aux pratiques et aux modèles d’action. Les pilotes utilisent diverses « portes d’entrée » pour susciter l'ouverture à de telles démarches d’autorégulation dont voici quelques exemples : la révision des contenus enseignés au regard des exigences du programme ou des visées  du projet éducatif; un retour sur les résultats d’apprentissage des élèves au regard des cibles; la correspondance entre les normes, modalités et contenus d’évaluation des apprentissages réalisés et les attentes du programme à cet égard; une réflexion sur les pratiques employées au regard des dernières connaissances; une sensibilisation à des pratiques éprouvées; le soutien à des innovations… Quelles que soient les portes utilisées, ces initiatives visent à déclencher la réflexivité sur la pratique afin d’y débusquer les erreurs d’action et de générer des ouvertures à une recherche et un projet d’amélioration. Quels que soient les objets par lesquels les pilotes s’ingénieront à susciter ces mouvements, ils auront à demeurer vigilants aux zones proximales de développement des personnes et des groupes à l’intérieur desquelles pourra être toléré l’état de déséquilibre provoqué par la reconnaissance des erreurs d’action - des écarts entre la situation obtenue et la situation souhaitée.

Dans cet environnement d’apprentissage, l’élément déterminant est la socialisation des savoirs par laquelle il y a passages entre les savoirs tacites et les savoirs explicites; une socialisation qui ouvre sur une collaboration pour apprendre (Boyer et coll.,2015) pouvant prendre plusieurs formes.

Le travail collaboratif est un moteur clé de la transformation des comportements. C’est le ciment social qui permet à une organisation d’aspirer à la cohérence. Les exemples que nous venons de donner nous montrent qu’il n’existe pas de méthode unique pour développer une culture de l’épanouissement professionnel ou pour apprendre en collaboration, et que toute réussite découle d’un plan d’action collaboratif en fonction d’objectifs systémiques (Fullan, Quinn, 2018, p.91)

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Dans notre représentation du système du pilotage de l’établissement, chacun des sous-systèmes est relié aux autres. Dans le cas du sous-système de l’intelligence cette reliance se rapporte à des finalités significatives au nom desquelles le questionnement et les explorations pourront prendre place, à des communications soutenues dans des réseaux et des activités de socialisation des savoirs, à des prises des décisions participatives générant des choix d'investigation et d'amélioration partagés, à des évaluations qui font apparaître des besoins d’apprentissage et de développement professionnel et à une veille qui produit de données de référence pour le  questionnement des actions et des résultats.  

Retenons des métarègles d’intervention de pilotage dans l’environnement d’apprentissage de l’établissement :  assurer que les cibles d’apprentissage professionnel et organisationnel sont réalistes et atteignables, miser sur une variété d’activités complémentaires les unes aux autres, reconnaître et même valoriser le droit à l’erreur comme ingrédient essentiel à l’apprentissage, recourir à des approches de résolutions de problèmes parfois liées à l’amplification de réussites – bons coups-, ne pas imposer les cibles à atteindre et les structures de collaboration.

   

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