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Des communications à organiser

Des communications à organiser

Site: Pilotage de l'établissement
Contenu: Pilotage de l'établissement
Livre: Des communications à organiser
Imprimé par: Visiteur anonyme
Date: jeudi 18 avril 2024, 20:56

3.6  Entretenir des communications porteuses de sens partagé

Le pilotage d’un établissement à travers les divers réseaux de communication du centre et de la périphérie, formelle et informelle, interne et externe est complexe. Les individus et les groupes y interviennent selon des références et une logique qui leur sont propres et qui peuvent être très souvent source d’incompréhensions. Dans cette dynamique interactive, il peut être difficile de faire émerger un sens partagé propice aux réalisations et au développement de l’établissement et à l’atteinte de ses visées. Dans cette complexité, le défi est de faire apparaître les liens de dépendance entre les décisions prises dans ces réseaux et de susciter des ajustements afin de maintenir une cohérence entre eux au regard des finalités partagées. Pour susciter un sens partagé au regard des décisions, celles-ci doivent continuellement être interrogées en fonction des finalités.

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Chaque groupe d’acteurs se détermine donc pour une bonne part selon une logique qui apparaît floue aux autres groupes d’acteurs. Rien ne permet d’affirmer que la combinaison de ces choix s’avèrera cohérente ou optimale. Le seul moyen d’aller vers plus de cohérence est de créer des liens de dépendances et d’ajustement entre les diverses décisions. Le contrôle de gestion, par exemple, ne doit pas être une machine à déterminer a priori un optimum théorique, mais il doit susciter de multiples processus d’ajustement entre les différents acteurs et niveaux de logiques. (Genelot, 2001, p.  176)

Dans les établissements scolaires, lorsque les finalités sont peu questionnées et peu affirmées et lorsqu’il y a absence d’instruments de pilotage collectif de type tableau de bord, il est certes difficile de susciter les ajustements requis entre les groupes et les individus. Ces ajustements devraient s’opérer au nom de quelle logique si les arbitrages collectifs sur les orientations d’actions ne sont pas effectués en amont et constamment rappelés? Dans nos écoles, le projet collectif et, plus largement, l’intelligence collective de laquelle découlent des choix stratégiques, au-delà des actions projetées et même des cibles opérationnelles établies, sont-ils suffisamment consistants pour alimenter la communication entre les individus et les groupes à propos de la collaboration à établir? En une telle absence de consistance, ne nous retrouvons-nous pas dans des communications, des échanges d’informations et des constructions de significations qui contribuent peu à des conceptions et à des décisions collectives permettant une régulation optimale des opérations de l’établissement?

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Si la communication est organisante, à quelle fin l’est-elle?

 

3.7  Installer des aménagements physiques et temporelles

Comme le soulignent Étienne et Amiel (1995), l’architecture des écoles est largement tributaire d’un « enfermement dans des lieux consacrés à l’étude » (p. 17) apparu au Moyen Âge avec les écoles des jésuites. Cette conception architecturale est davantage porteuse de cloisonnement que de mise en réseau. Aujourd’hui, quels espaces dans les écoles sont réservés à des communications en dehors des communications d’enseignement-apprentissage dans les classes? Outre des salles du personnel plus aménagées pour la communication informelle, bon nombre d’écoles n’ont pas de lieux dédiés et aménagés pour des réunions d’échanges entre les enseignantes et les enseignants et encore moins entre les autres actrices et acteurs : professionnels, élèves, parents… Il en est de même pour les horaires des enseignantes et des enseignants où les plages pouvant être consacrées à ce type de communication organisationnelle formelle y sont très limitées. Qui plus est, la culture professionnelle des enseignantes et des enseignants, aussi associée à une conception cloisonnée de leur pratique, fait en sorte que ceux-ci peuvent avoir tendance à limiter leur investissement dans ce type de communication.

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Dans ce contexte, un pilotage qui vise à dynamiser la communication organisante dans l’établissement est un pilotage qui cherchera dans les interstices des aménagements architecturaux et temporels présents à créer des espaces-temps et des lieux qui inciteront à l’échange et aux discussions : libération de plages horaires communes, tradition d’accorder priorité au travail collectif durant les journées pédagogiques, regroupement dans les salles du personnel en fonction de visées de communication précises, aménagement de locaux avec du mobilier confortable et attrayant pour la tenue de réunions et de rencontres, installation de tableaux d’affichage attrayants (où l’affichage est de qualité et entretenu) et de casiers de distribution de communications écrites, des espaces de rangement pour les dossiers de travail des équipes et des comités et pour la documentation de référence, construction en continu d’une webographie de référence pédagogique…

 

Pour triompher de ces résistances, l’intervention sur l’espace ouvre aux partisans du changement des perspectives intéressantes, s’ils savent mener à bien ce projet en conciliant les efforts nécessaires à la communication et les compétences en matière de développement. Ils trouveront également dans les transformations matérielles un puissant levier pour améliorer la communication au quotidien dans la mesure où les transformations de ce type sont concrètes et rapidement palpables. (Étienne et Amiel, 1995, p. 46)

Le recours aux technologies de communication représente un atout de premier plan pour un pilotage qui cherche à dynamiser la communication dans l’établissement : des postes de travail dédiés au personnel, l’Intranet, le suivi de dossier informatisé, la recherche de ressources et d’information sur Internet, l’accès à des ordinateurs portables, les outils du WEB2, le site Internet…

 

3.8  Se préoccuper de la qualité des messages

Si la direction de l’établissement est son «centre nerveux», elle y a un rôle essentiel à jouer dans la diffusion d’informations à l’interne et une autre de porte-parole de son organisation à l’externe.  (Mintzberg, 2010). À ce titre, elle orchestre, sinon mène elle-même, une multitude d’activités de diffusion d’information, de messages, à divers destinataires.

Des récepteurs actifs.

La  communication est avant tout un processus visant la construction d’une signification partagée à travers le message transmis, capté et surtout interprété. Dans cette conception de la communication, que nous pourrions qualifier de constructiviste, ce qui est déterminant dans  le message émis et reçu est la création d’un sens, d’une signification partagée.

Le verbe communiquer tire son origine du verbe latin « communicare » qui signifie :  être en relation avec.  L'action de communiquer implique une relation, un échange entre une personne ou un groupe de personnes  qui  émettent  un message et une personne ou un groupe qui reçoivent le message.

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Émetteurs et récepteurs donnent vie à un système de communication à travers  un jeu non seulement de transmission, mais aussi d’interprétation. Les émetteurs n’ont aucun contrôle sur la façon dont les récepteurs interprèteront le message émis. Ces derniers  ont leur  propre grille d’interprétation qu’ils utiliseront pour décoder le message perçu et lui attribuer une signification en propre. L’incidence la  plus marquante dans la communication n’est ni le contenu, ni la forme du message transmis, mais la façon dont celui-ci est interprété. 

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... même une conversation ordinaire est un processus complexe impliquant des prises de décisions immédiates à  propos de ce que nous disons, comment nous le disons et  comment nous réagissons à ce que les autres disent. Ce que  nous choisissons de révéler est un produit de notre perception de la situation et de notre compréhension des conventions culturelles qui s'appliquent dans cette situation. Les préjugés cognitifs, qui filtrent nos perceptions et nos sentiments et qui influent sur notre estimation de la situation et sur nos réactions, sont le reflet de notre culture et de notre histoire personnelle. Nous sommes tous différents parce que  nous avons des histoires différentes à la fois culturellement et personnellement. Et, surtout, la perception que nous avons de nos rôles, rangs et statuts dans une situation donnée nous prédispose à supposer que nous avons déterminé ce qui est opportun. Les situations dans lesquelles les participants ont différentes perceptions de leurs rôles, rangs et statuts sont donc les plus vulnérables à des défauts de communication et à des outrages ou des embarras involontaires. D'ailleurs, le fait que nous communiquons aussi bien tient du miracle. (Schein, 2015, p 148)

Pour nous résumer sur le principe du récepteur actif, nous pouvons retenir que le plus important lorsqu’on veut construire une communication efficace, c’est de se préoccuper d’abord des contextes d’interprétation des différentes catégories de personnes auxquelles on veut s’adresser. Dans une communication, l’émetteur doit considérer que le guide de l’échange, c’est le récepteur, et non le message. C’est l’interaction d’un émetteur et d’un récepteur, attentifs l’un à l’autre, mémorisant et intégrant le sens de leur échange, qui constitue la communication. (Genelot, 2001, p. 173)

La communication doit ajuster son registre au niveau de logique auquel on veut faire référence dans l’esprit des destinataires. La difficulté est là : l’émetteur doit quitter son registre pour aller sur celui du récepteur. (Genelot, 2001, p 183)

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Un pilotage se préoccupant de la communication ne se contente pas d’assurer la qualité de la forme d’un message  ou même de sa  livraison, mais s’assure avant tout que la communication suscite une construction de sens partagé.  Quelle que soit la qualité de la forme d’un dépliant destiné aux parents, d’une réunion destinée aux enseignantes et enseignants ou même d’une affiche à l’intention des élèves, si les messages transmis ne rejoignent pas, d’une façon ou d’une autre, les  connaissances, les aspirations et les enjeux des destinataires, la communication sera déficiente. Elle ne pourra générer le sens partagé recherché. Si l’on considère de plus en plus que, dans un enseignement, les élèves sont actifs dans leur apprentissage, ne pouvons-nous pas considérer tous aussi bien que, dans une communication, les récepteurs sont actifs dans leur interprétation?

 

      3.9  Soutenir la conception des messages

Au-delà de la communication à organiser dans l’établissement, la direction, dans son rôle de diffuseur et de porte-parole, doit veiller à la qualité des activités de diffusion menées par elle-même ou par d’autres acteurs : présentation à une assemblée de  professeurs, communiqué aux parents...  La formule émise par Lasswell en 1948 demeure une référence pour  concevoir une activité de  communication de transmission d’un  message ou d’une information.

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L’efficacité de la communication avec enjeux[1] dépendra cependant de la façon dont vous respectez les lois et les règles de la communication et dont vous maîtriserez les techniques permettant de les appliquer. Avant de déterminer QUOI DIRE et COMMENT LE DIRE, je dois savoir ce qui suit… 

Pour que la communication soit efficace, pour que je réalise mon objectif et que le résultat du processus de communication coïncide avec l’effet recherché, il faut donc au préalable effectuer un travail de préparation. ( Devirieux, 2008, p. 11)

[1] Ce qui est toujours le cas dans une communication organisationnelle particulièrement pour une direction.

QUI? Émetteur: celui qui parle, écrit, émet des signes visuels, sonores... Quel est mon intérêt? Quelles sont ma légitimité, mon leadership, mon autorité? Quelle est mon intention?
DIT QUOI? Contenu du message Quel est le sujet à aborder? Qu'est-ce qui doit être traité pour la meilleure compréhension? Quel est le message essentiel?
À QUI Les destinataires, les récepteurs, captent les signaux, entendent, écoutent, lisent, voient, interprètent... Qui sont les destinataires? Quelle est leur grille d'interprétation(attentes, intérêts, besoins, préjugés, pràoccupations, enjeux? Quels sont leurs compréhensions, leurs connaissances antérieures, leur niveau de langage? Quelle est leur humeur du moment? Quelles sont leurs habitudes de communication?
PAR QUEL MOYEN? Le message est véhiculé à travers une rencontre interpersonnelle, une réunion, un texte, un enregistrement sonore ou vidéo, un message courriel, l'intranet, les réseaux sociaux... Quels moyens peuvent être utilisés en fonction des compétences et des ressources présentes (temps, énergie, financement...)?
AVEC QUEL EFFET? l'effet recherché chez les destinataires: une conscientisation, une connaissance, une interrogation, un engagement, une action, une réaction... Quel effet est recherché? Est-il en lien avec le sujet abordé? l'effet recherché est-il réaliste et pertinent? Des risques d'effets indésirables sont-ils présents?

Tableau inspiré de Devirieux (2008)

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L'erreur la plus commune, c’est la confusion entre QUI et  À Qui. La plupart des gens font de la communication projective, c’est-à-dire qu’ils projettent sur les autres leurs propres intérêts, espoirs et humeurs; ils ne tiennent pas compte des intérêts, besoins et humeurs des autres. Finalement, ils  parlent pour se conforter, se gratifier, se justifier, … Ils parlent à eux-mêmes. Ce qui est vrai pour les individus est vrai pour les organisations qui, ne considérant que leur intérêt, ont beaucoup de mal à  se mettre à la place et à la portée du public. (Devirieux, 2008, p13)

Une communication stratégique

La réalisation d’une communication, étant donné le caractère organisant de tout processus d’échange d’informations et de construction de sens partagé qu’il devrait susciter, est une action qui est stratégique. Si la communication informelle est, de par sa nature, plutôt spontanée, les activités de communication formelle, donc prévues, devraient s’inscrire dans une stratégie déterminée.   Encore ici, les automatismes sont à éviter. Dans les moyens verbaux de communication, les réunions de groupe de travail  sont reconnues comme les plus efficaces. Par contre, si celles-ci deviennent routinières et entretiennent une réception passive des informations livrées, elles risquent de ne pas générer la construction de sens recherchée et de devenir plutôt associées à des pertes de temps…  Si la réunion représente un potentiel de communication important, elle est à «manipuler avec soin et perspicacité». Parfois vaut mieux contremander une réunion et trouver d’autres moyens pour faire circuler des informations que d’en tenir une qui sera peu significative pour les destinataires.

En fait, toute communication organisée, tant dans son contenu, son moment, sa forme et son lieu devrait être associée à des intentions stratégiques au regard de l’effet recherché et relever d'une perspicacité tactique dans les moyens utilisés.

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3.10  Veiller à la transparence dans les communications formelles et informelles

Entre les individus, les groupes et les unités, la communication peut être formelle ou informelle. Elle est formelle lorsqu’elle prend place dans des modalités décidées par une instance de l’établissement (direction, comité établi…). En ce sens, elle revêt un caractère statutaire et met en scène des interlocutrices et des interlocuteurs (émetteurs-récepteurs) qui interagissent dans le cadre de leurs fonctions officielles et hiérarchiques. La communication est informelle lorsqu’elle est non prévue par l’organisation, non officielle, et se crée en fonction des affinités, des intérêts et des personnalités. Elle met en scène des interlocutrices et des interlocuteurs qui interagissent en fonction de rôles qu’ils s’attribuent mutuellement. Ces deux types de communication sont présents et interviennent à des degrés variables dans l’organisation de l’établissement; souvent, et idéalement, en complémentarité l’une à l’autre.

Il est inévitable que les informations et les significations partagées entre les communications formelles et les communications informelles subissent quelques distorsions; qu’il y ait des « bruits » différents dans chacune d’elles. La rumeur est un phénomène qui crée souvent ce type de distorsion dans la communication. Lorsque cette distorsion devient forte et qu’un écart important apparaît entre les informations formelles échangées et les significations construites, cela est un symptôme de difficultés organisationnelles importantes. Il peut même arriver que la communication informelle oriente davantage les actions que la communication formelle. Le pilotage de l’établissement, par sa vigilance au regard non seulement de la communication à organiser, mais aussi du contenu des messages véhiculés, doit s’assurer de limiter ce type de distorsion qui peut avoir des effets « désorganisants » importants. Comme l’indique Devirieux (2008), la transparence apparaît de plus en plus comme un ingrédient essentiel d’une saine gestion des ressources humaines, lequel ingrédient peut limiter l’apparition de distorsions entre les communications formelles et informelles. Cette recherche de transparence est fondée sur deux principes : celui du droit à l’information, le droit de savoir ce qui se passe, et celui de la liberté de l’information en faisant en sorte que l’information concernant l’établissement circule.

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1 Selon une étude réalisée par la firme de relations publiques National, rapportée par Devirieux (2008)

 

Contribution des participantes et participants

Vous êtes invités à commenter et enrichir les documents par vos commentaires, des observations sur votre pratique et votre contexte de pilotage.