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L’organisation de la participation

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Site: Pilotage de l'établissement
Contenu: Pilotage de l'établissement
Livre: L’organisation de la participation
Imprimé par: Visiteur anonyme
Date: jeudi 28 mars 2024, 06:57

4.6  Organiser la participation à la décision

Quelles conditions mettre en place pour que les processus décisionnels engagent les individus et les groupes à exécuter les décisions prises? Comment organiser la prise de décision pour générer une interprétation partagée des choix retenus suffisante pour assurer la cohérence entre les actions de chacune et de chacun? Quel type de participation instaurer pour associer les actrices et les acteurs concernés selon leur niveau de responsabilité vis-à-vis les choix à faire? Voilà des questions auxquelles des pilotes assurant non seulement la qualité des prises de décision, mais aussi une mobilisation solidaire à leur mise en application se doivent de répondre. Nous proposons ici un cadre d’organisation qui permet d’articuler la participation des individus, des groupes et des instances au processus décisionnel.

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Des objets de décision

Le premier élément du cadre organisationnel de la participation proposée se rapporte aux objets de décision. Si certains de ces objets peuvent commander une organisation de participation très élaborée, comme la formulation du projet éducatif ou l’élaboration du code de vie de l’école, d’autres peuvent être beaucoup moins exigeants à ce titre. Dans l’établissement scolaire, ces objets sont nombreux et de sources multiples. Pour plusieurs de ces objets de décision, une participation minimale est spécifiée dans des encadrements administratifs et législatifs de l’organisation scolaire de l’établissement. Quelques exemples québécois :

 

        • objets découlant de la Loi de l’instruction publique. :
          • le projet éducatif;
          • le plan d’action;
          • le plan de lutte contre l’intimidation et la violence;
          • les règles de conduite et les mesures de sécurité;
          • les normes et les modalités d’évaluation;
          • le choix du matériel didactique;
          • le budget de l’établissement;
          • le classement et la promotion;
          • etc.
        • objets découlant du Régime pédagogique :
          • les modalités d’application du régime pédagogique;
          • le temps alloué à chaque matière;
          • la programmation des activités éducatives;
          • la mise en œuvre des programmes des services complémentaires;
          • etc.
        • objets découlant des conventions collectives :
          • l’organisation pédagogique de l’école;
          • la répartition des tâches;
          • l’organisation des journées pédagogiques;
          • l’organisation du perfectionnement;
          • les modalités et les sujets de participation du personnel;
          • etc.
        • objets découlant de l’organisation scolaire de l’établissement :
          • le choix et l’organisation des activités étudiantes et des sorties;
          • l’organisation et l’assignation des tâches;
          • la programmation des horaires (enseignement, surveillance, examens);
          • les pratiques d’encadrement;
          • etc.

Étapes de la prise de décision

Le deuxième élément à considérer dans l’organisation de la participation aux décisions est les étapes de la prise de décision. St-Arnaud (2010) propose cinq étapes par lesquelles une décision est prise, soit : la définition de la cible commune (s’entendre sur quel objet portera la décision), l’échange d’informations à propos de faits et de perceptions sur le contexte et l’objet, la collecte des opinions, la délibération et le choix[1].

[1] Il est à noter que ces étapes sont vues en détail dans la section sur l’orchestration du processus de prise de décision.

Les actrices et les acteurs :

parties prenantes de la décision

Pour organiser la participation à la prise de décision, il est impérieux d’identifier les actrices et les acteurs concernés par la prise de décision et qui seront sollicités, d’une façon ou d’une autre, à une ou plusieurs de ses étapes.

Les lieux de participation à la décision

Dans l’organisation de la participation, les actrices et les acteurs pourront être interpellés à l’intérieur de regroupements particuliers, de lieux organisationnels où ils se réunissent formellement ou même informellement pour communiquer entre eux. Nous pensons ici, entre autres, aux équipes cycle, à l’assemblée générale des membres du personnel, à l’instance de gouvernance de d’établissement (IÉ), à des comités de travail, au conseil des enseignantes et enseignants (CÉ), aux regroupements de niveaux, etc. Il est possible aussi que chaque individu d’un groupe donné soit sollicité personnellement (par un sondage d’opinion ou à travers des rencontres informelles d’individus ciblés, par exemple).

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Évoquer la participation aux décisions, est-ce à dire que tout le monde doit décider de tout, tout le temps? Poser la question, c’est y répondre. Il y a différentes façons de prendre part à un processus décisionnel à l’intérieur de chacune de ses étapes. Parfois, des groupes d’actrices et d’acteurs peuvent être consultés, d’autres fois ils peuvent être directement impliqués dans la décision et à d’autres moments, ils peuvent tout simplement ne pas en être informés. Différents types de participation sont à considérer pour chacun des groupes et à chacune des étapes du processus. Les choix de types de participation se déclinent en fonction de l’objet décisionnel et du contexte organisationnel en cause.

Pour déterminer ces différents types de participation, nous nous sommes inspirés de la nomenclature classique de Tannenbaum et Schmidt (1958) sur les types de participation à la prise de décision en fonction d’un continuum de styles de leadership (Bergeron et al, 1979). Un continuum entre un dirigeant qui, dans un exercice d'autorité, prend seul la décision et l’annonce et un dirigeant qui, dans un exercice de leadership, incite le personnel à prendre l'initiative d’identifier le problème, d’énumérer des solutions et de choisir la solution. Voici un résumé de ces types de participation du continuum :

    1. le dirigeant décide seul et annonce la décision;
    2. le dirigeant prend la décision et l’explique au groupe;
    3. le dirigeant prend une décision, présente ses raisons et invite le personnel à poser des questions;
    4. le dirigeant prend une décision préliminaire, expose le problème, obtient des réactions et arrive seul à la décision finale;
    5. le dirigeant expose le problème, obtient des suggestions, les prend en considération et prend la décision;
    6. le dirigeant explique le problème ou la situation, définit les paramètres, indique ses limites quant aux choix possibles et laisse le groupe décider;
    7. le dirigeant permet au groupe d’identifier le problème, d’énumérer les options, de choisir les alternatives et de décider de l’action.

 

Nous retenons que les différents types de participation se retrouvent sur un continuum entre une absence totale de participation à une totale participation. Nous réinterprétons ce continuum dans la figure suivante :

D’un côté, une dirigeante peut ne pas informer et, à l’autre extrémité du continuum, elle permet à un groupe de décider de façon autonome en fonction d’un mandat qui lui a été confié. Entre ces deux pôles, la gestionnaire peut choisir de limiter la part de la décision à une stricte information sur celle-ci, elle peut aussi consulter à son propos ou même codécider avec les actrices et les acteurs concernés. Remarquons que les types de participation se situent sur un continuum et s’articulent selon différentes modalités de sollicitation et d’investissement. À ce titre, ce sont les pilotes qui choisissent ces modalités selon les types de participation qu’ils jugeront pertinents au regard de l’objet de décision, des étapes du processus, des actrices et des acteurs concernés et des lieux sollicités.

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Au-delà même des règles et des lois auxquelles les pilotes doivent se soumettre concernant la participation des parties prenantes aux décisions, la décision de l’organisation de la participation leur appartient. À ce titre, pour certains dossiers jugés particulièrement névralgiques pour le développement de l’établissement tels le projet éducatif, un plan d’action, l’aménagement de l’horaire des cours et des activités ou autres, ils peuvent s’adjoindre un comité qui copilotera cette organisation de la participation. Dans ce comité, il y aura codécision en ce qui concerne l’organisation de la participation et les synthèses des données cumulées et des propos entendus.

Dans cette perspective, un comité de pilotage du projet éducatif, par exemple, aura le mandat d’organiser et d’animer la participation au processus décisionnel du projet. Pour ce faire, il recourra à différents types de participation selon les étapes de ce processus. À des moments, il informera sur le déroulement de la démarche et de ses activités qui aura lui-même décidé. À d’autres, il orchestrera une consultation dans différents lieux pour faire émerger une analyse collective de la situation et fera une synthèse des propos entendus. Ensuite, il pourra faire valider ces synthèses dans ces lieux et y suscitera des délibérations à propos des orientations de l’école. Il rédigera un document qui reflètera les orientations qui auront émergé du processus. Finalement, il déposera le document du projet à l’instance de gouverne afin qu'elle décide de son adoption.  

 Un exemple d’organisation de la participation

 Afin d’illustrer nos propos, nous vous présentons un exemple d’une organisation de la participation à une prise de décision relative à une politique d’encadrement des élèves.

Objets : Politique d’encadrement des élèves

Étapes de décision

Participation

 

Actrices Acteurs

Lieux

Modes de décision

 

Définition de la cible commune

  • Enseignantes et enseignants
  • Membres du IÉ
  1. Assemblée équipe-école
  2. Conseil d’établissement
  3. Équipes-cycles
  1. Information sur la démarche et ses enjeux
  2. Codécision de la démarche
  3. Information sur la démarche
  4. Décision pour nommer une personne déléguée à un comité de travail

Échange d’informations

  • Enseignantes et enseignants
  1. Assemblée générale
  1. Information sur les statistiques de fréquentation du local de retrait et consultation sur les perceptions de la situation

Collecte d’opinions

  • Enseignantes et enseignants
  1. Comité de travail mandaté
  2. Équipes cycles
  1. Codécision sur un énoncé de problème
  2. Consultation sur l’énoncé de problème

Délibération

  • Enseignantes et enseignants
  1. Comité de travail mandaté
  2. Communication individuelle par un texte écrit avec possibilités de réaction à acheminer au comité
  1. Codécision sur des critères de décision et sur des hypothèses à soumettre
  2. Consultation sur les hypothèses

Le choix

  • Enseignantes et enseignants
  • Membres du IÉ
  1. Assemblée équipe-école
  2. Comité de travail
  3. Conseil d’établissement
  1. Pondération des hypothèses avancées selon des critères de décision
  2. Décision de la proposition à soumettre au IÉ
  3. Adoption au IÉ

 

4.7  Rallier les parties prenantes par sa gestion

Les gestionnaires recherchent certes une participation optimale des membres du personnel aux actions découlant des décisions prises dans l’établissement. Toutefois, pour que ceux-ci prennent part à l’action décidée ne doivent-ils pas estimer être partie prenante d’un collectif d’actrices et d’acteurs (équipe-cycle, équipe-école, comité…) concerné par la décision? N’ont-ils pas aussi à estimer pouvoir retirer une part des bénéfices escomptés de ces actions pour leurs élèves et pour eux-mêmes ou même pour leur collectif d’appartenance? Plus fondamentalement, n’ont-ils pas à se sentir interpellés d’une façon ou d’un autre en tant que partie prenante des décisions : être informé, être consulté, être considéré dans une codécision, décider?

Ces questions et plus particulièrement celle relative au processus de décision se rapportent à un mode de gestion particulier, celui de la gestion participative. Le degré ou le niveau de participation du personnel varie selon le style de gestion des dirigeants, le contexte, le degré d’implication du personnel et le partage ou la répartition du pouvoir.

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Le management participatif est un mode d’animation et de conduite des individus et des équipes qui suscite leur engagement et leur contribution à l’innovation permanente et au progrès des performances de l’entreprise. En cohérence avec les objectifs de l’entreprise, il s’appuie sur la prise en compte des attentes et des aspirations des membres du personnel. (Pasco, 2010, p. 4)

La gestion participative est, avant tout, une autre façon de penser l’organisation, la voir comme un construit d’actrices et d’acteurs en constante évolution; des actrices et des acteurs qui aménagent un ordre particulier d’instant en instant. C’est une approche d’administration qui incite les actrices et les acteurs de l’organisation à s’engager dans ses processus de gestion, en les associant à la compréhension des situations, à la prise de décision et à l’évaluation.

À travers la gestion par les résultats et la recherche de la qualité des services publics, dont ceux de l’éducation, les gestionnaires sont invités à passer d’une « gestion réactive à une gestion proactive » (Rapport du Vérificateur général du Québec, 1999, rapporté par Mazouz, Leclerc, 2008) où « l’ajustement mutuel devrait être facilité par la distribution du pouvoir » (Mazouz, Leclerc, 2008, p. 244). Un rapprochement entre la décision et l’action est recherché, car cette proximité apparaît comme un gage de qualité.

(Mazouz, Leclerc, 2008, p. 245)

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Participation à la réussite éducative

 Il est reconnu que la finalité de l’établissement est la réussite éducative; une réussite non pas en fonction de strictes cibles de résultats quantitatifs à atteindre plus ou moins imposées, mais une réussite relative à la mission attribuée à l’école et interprétée selon son projet éducatif; une mission qui fait sens pour les actrices et les acteurs de l’école et de sa communauté. Autour de cette large visée, ils pourront :

  • se reconnaître comme faisant partie d’un collectif auquel ils s’associeront au nom de sa destinée;
  • estimer pouvoir y retirer une part des bénéfices au nom des élèves et des enfants;
  • chercher à prendre part à l’action à mener;
  • se sentir interpellés comme partie prenante des décisions et se porter garant de la destinée de réussite avancée.

La réussite éducative n’est pas un concept aussi précis à définir que la réussite scolaire qui elle peut se référer à des normes externes précises. Ce concept de réussite éducative fait partie du domaine de l’éducation qui concerne le développement harmonieux et dynamique chez l’être humain de l’ensemble de ses potentialités (affectives, morales, intellectuelles, physiques, spirituelles, etc.). On y ajoute un élément important qui est le développement d’un futur citoyen responsable et prônant des valeurs démocratiques. Par la grande variété des définitions de ce qu’on entend par la réussite éducative, on se rend compte que la définition prendra les orientations dictées par les jeunes visés, par les organismes et les acteurs qui la définissent. (Potvin, 2010)

Organiser la participation autour de la réussite éducative, c’est assurer une traduction des aspirations des actrices et des acteurs dans les décisions de finalités de l’établissement; des finalités auxquelles ils se rallieront en s’attribuant, à travers leurs actions, un rôle dans la poursuite de la réussite visée pour leurs élèves.

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Contribution des participantes et participants

Vous êtes invités à commenter et enrichir les documents par vos commentaires, des observations sur votre pratique et votre contexte de pilotage.