L’orchestration du processus de décision
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Livre: | L’orchestration du processus de décision |
Imprimé par: | Visiteur anonyme |
Date: | samedi 23 novembre 2024, 13:42 |
4.2 Orchestrer la prise de décision |
Comment les membres d’un groupe, d’un comité, d’une instance, d’une équipe ou même des actrices ou des acteurs seuls procèdent-ils pour prendre des décisions? Quelle procédure appliquent-ils pour y parvenir? Voilà des questions auxquelles des pilotes assurant la qualité des prises de décision se doivent de répondre. Nous proposons, en nous inspirant des travaux de St-Arnaud (2008), un guide découpant le processus décisionnel en étapes elles-mêmes regroupées en phases distinctes. |
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→ A- L’intelligence
La première phase, l’intelligence (A), consiste à développer une compréhension de la situation en cause par la collecte d’informations sur les faits observés et sur les perceptions présentes. Dans une équipe ou un groupe, cette collecte fera place à un partage d’informations et à la recherche d’une compréhension collective de la situation. La phase de l’intelligence comprend trois étapes :
Dans la perspective du groupe optimal de St-Arnaud (2008), l’étape première d’une prise de décision est la définition d’une cible commune pour les participantes et les participants de la réunion. « Toute décision du groupe doit porter sur un objet précis dont la définition est acceptée par tous les membres. Sans une telle précaution, la décision risque de n’être qu’apparente, car tous ne se prononceront pas nécessairement sur le même objet » (p. 107). Par « cible », nous entendons tout sujet ou toute question qui mobilise, du moins momentanément, l’attention d’un groupe de personnes. L’adjectif « commune » qui caractérise cette cible indique que les membres du groupe perçoivent cette dernière de la même manière et qu’ils lui accordent suffisamment d’importance pour s’efforcer de l’atteindre en prenant la décision requise. |
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Les participantes et les participants partagent les informations et leurs connaissances sur l’objet de la prise de décision et un effort est apporté afin de rendre accessibles les informations existantes à son sujet : données sur le contexte et l’état de la situation, décisions antérieures ou connexes, contraintes organisationnelles… Une place est laissée aux interrogations de clarification. |
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Selon St-Arnaud (2008), il peut être utile d’aménager une période où chaque participante et participant pourra émettre son avis quant à la situation en cause et à l’objet de décision. Afin d’assurer que tous expriment leur avis, il est souhaitable, à cette étape, que les interventions ne se limitent qu’à exprimer des opinions personnelles, et ce, sans qu’elles soient commentées. Une telle centration sur les opinions peut faciliter l’écoute attentive de celles-ci avant d’amorcer la discussion qui pourrait générer des tensions rendant difficile l’écoute des divers avis. |
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→ B- La conception La deuxième phase, appelée la conception (B), consiste à forger, par rapport à la situation en cause, différentes options parmi lesquelles un choix sera fait. Cette phase est constituée d’une seule étape :
Une fois les opinions entendues, prend place une étape de délibération où les participantes et les participants, encouragés à le faire, avancent différentes options possibles, débattent sur celles-ci, manifestent leurs désaccords et leurs préférences. Ainsi, une liste restreinte d’options peut être établie. |
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→ C- La sélection La troisième et dernière phase, la sélection (C), se rapporte au choix entre les options avancées. En effet, une prise de décision implique que différentes solutions ou avenues d’action sont possibles et qu’une de celles-ci, estimée la plus appropriée, soit retenue.
Finalement, après avoir cerné les différentes options possibles, les participantes et les participants arrêtent un choix sur l’une de celles-ci. Si, parmi les options énumérées, le ralliement autour d’un choix donné se fait assez spontanément, l’accord est alors établi plus ou moins formellement, et ce, selon les usages du groupe ou de l’instance. Toutefois, lorsque le ralliement est moins spontané, différents procédés de choix peuvent être utilisés pour faciliter cette étape finale du processus. |
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Une construction de sens partagé L’enjeu transversal de chacune des étapes de la prise de décision est de faire émerger, à travers les phases de l’intelligence, de la délibération et de la prise de décision, une construction de sens partagé qui sera moteur d’engagement dans l’application du choix retenu.
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4.3 Opter pour un procédé de décision |
Les décisions dans l’établissement s’avèrent souvent prises de façon routinière selon un procédé unique. Le pilotage des prises de décisions se doit de recourir à une variété de procédés de choix afin d’assurer que chacun des procédés utilisé soit adapté à l’objet de ces choix. Le ralliement autour d’une option à choisir peut s’avérer parfois difficile à obtenir. S’il y a une décision à prendre, c’est donc que les actrices et les acteurs impliqués dans la décision doivent choisir entre différentes options reconnues par eux. Cette situation de choix, dont l’aboutissement est incertain, crée un jeu de pouvoir entre les actrices et les acteurs concernés (groupes ou individus) dans l’exercice même de la décision. Ce jeu de pouvoir, accompagné par des tensions plus ou moins fortes selon les visions et les enjeux en présence, s’ajoute aux difficultés de discernement entre les choix avancés, et ce, sans compter les contingences organisationnelles qui devraient être considérées à propos de l’objet même de la décision. L’exercice d’un choix dans l’incertitude |
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Dans de tels contextes décisionnels, le recours à différents procédés de décision peut faciliter l’exercice du choix entre les options avancées afin, d’une part, d’assurer une qualité des décisions prises rencontrant les exigences institutionnelles présentes et ralliant les actrices et les acteurs autour des choix retenus, et d’autres parts, maintenir une efficience en termes de durée de l’exercice lui-même et de l’énergie à y investir. Les procédés de choix seront sélectionnés en fonction de l’objet de décision en cause, du contexte décisionnel (groupes, instances, enjeux, visions…), du nombre d’actrices et d’acteurs impliqués, et autre caractéristique de la dynamique auto-organisationnelle présente. Voici six procédés qui facilitent les choix entre différentes options. Il est à noter que plusieurs autres procédés peuvent être utilisés. Nous vous présentons ceux qui nous apparaissent, de façon générale, les plus appropriés pour élargir l’aire de rationalité d’une décision. 6 procédés pour faciliter la prise de décision
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4.4 Déterminer le type de décision |
Si selon la nature plus ou moins collective de la décision, le nombre de personnes impliquées, le contexte et l’objet de la décision qu’une direction se doit de déterminer la façon dans choix se prendra de décision à utiliser, il en est de même pour le type de décision à utiliser. Voici différents types de décision possibles qu’une direction peut adopter pour l’une ou l’autre des décisions à piloter. Différents types de décision |
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À tout égard, la direction aura à déterminer, de façon concertée ou pas avec les parties prenantes en cause, le type de décision qu’elle privilégiera. À ce titre, pour faire image de cette «métadécision», nous utilisons la formule suivante : |
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4.5 Recourir à la controverse pour éclairer la décision
Se tromper est une constance fondamentale de l’action Christian Morel |
Lorsqu’il y a décision, c’est donc qu’il y a un choix à arrêter entre différentes options. Un choix, dans son essence même, est indéterminé au regard des résultats et des conséquences qui seront générés à la suite de la mise en application de l’option retenue. Pour faire leur choix, les actrices et les acteurs (directions, enseignantes et enseignants, élèves…) recourent à une rationalité qui leur soit propre et qui est reconnue limitée (Simon, 1955). Fondamentalement, elle est limitée (elle se trompe), car, si elle peut atténuer cette indétermination, elle ne pourra jamais l’éliminer : quelle que soit la méthode décisionnelle utilisée, une décision ne sera jamais, en amont, bonne en soi, elle sera reconnue bonne seulement, en aval, au regard des effets générés par son application. Sur le plan du processus, elle est aussi reconnue limitée, car les prises de décision sont inévitablement parsemées de biais cognitifs, collectifs et de signification (Morel, 2014A). Les biais possibles dans les prises de décision
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Les dynamiques organisationnelles et de groupe entourant les prises de décision qui génèrent ces biais peuvent, dans certaines circonstances, conduire à des choix contreproductifs, voir des erreurs « collectives persistantes » allant dans le sens contraire des buts recherchés ; « des erreurs absurdes » (Morel, 2014A, 2014B). Une contre-culture de la décision Pour contrer ces pièges psychosociaux du raisonnement et de la délibération, Morel (2014B) propose d’installer dans les organisations une contre-culture de la décision. En nous inspirant des métarègles qu’il propose à cet effet, nous retenons une approche des processus de décision où : |
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La controverse, outil de décision de première importance La mise à jour et le recours aux controverses et débats contradictoires nous apparaissent comme des procédés déterminants dans cette socialisation évoquée. La controverse permet une mise en évidence des dissensions qui peuvent travailler un groupe (Dodier,1995). Il s’agit de donner une visibilité aux lignes de clivage qui le traversent et au sens que chacun accorde à l’objet de décision et aux options avancées. La controverse est qualifiée de « professionnelle » par Clot (Clot, 2001), car elle convoque les personnes ayant des choses à dire sur les savoirs afin de faire aboutir la tâche (Ughetto, 2004). Il met en évidence le rôle primordial de l’exercice de la controverse dans la prise en compte du «réel de l’activité», c’est-à-dire de l’activité telle qu’elle est vécue ou appréhendée par la personne. La controverse est l’expression de la réflexion intérieure de la personne dans le groupe ; là, elle peut discuter pour elle-même le sens de la décision, de sa pertinence, de ses limites et la confronter aux avis de ses pairs. Autant les habitudes de travail en équipe peuvent être porteuses de recherche de décisions pertinentes, autant l’évitement des conflits, la peur de se dévoiler, la difficulté de prendre du recul, la confusion entre sa personne et son travail, freinent ou bloquent les processus de choix. Il s’agit pour les directions de faire évoluer la culture locale et de faciliter l’expression de la controverse. Castin (Castin, 2007) a observé dans des expériences de pratique de direction d'établissement combien les discussions autour d’un problème, la confrontation des avis, l’explicitation des arguments participent au développement du processus de décision. À l’inverse, quand les actrices et les acteurs choisissent la voie du non-conflit, les accords construits peuvent être creux et l’implication des actrices et acteurs dans leur mise en œuvre s’en ressent. Quand la direction souhaite rendre la controverse possible, elle joue un rôle dans lequel on ne l’attend pas. La tradition veut que la direction soit là pour susciter des accords ou imposer sa solution. Quand elle entretient la controverse, elle donne du temps à l’expression, elle recueille, reconnaît et met en évidence les éléments divergents. Voici diverses façons de faire pouvant aider dans ce type d’intervention dans le processus de décision :
♣ L’utilisation des rôles de « Critique », de « Rêveur » et de « Réaliste » fait apparaître des dimensions qui enrichissent le débat. Morel (2014B) évoque l’institutionnalisation d’une pratique d’avocat du diable, soit un « processus fort de contestation constructive d’un projet de décision » (p.184) où une personne ou un groupe de personnes sont désignés pour jouer ce rôle dans les délibérations.
♣ Organisation du travail collectif en trois temps : le premier est celui de l’annonce faisant place aux premières réactions spontanées ; le deuxième est celui de la controverse où la stratégie utilisée permet non seulement l’expression des divergences, mais aussi la construction d’un accord provisoire sur des options ; le troisième temps est celui du choix.
♣ Utilisation de la technique du Metaplan, de la carte mentale, mise en image des idées, construction d’un représentation collective des propos exprimées
♣ Invitation d’une ou d’un ami critique extérieur, diviser la délibération en plusieurs sous-groupes et confronter les opinions en plénière, veiller à l’hétérogénéité dans la composition du groupe de délibération.
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