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L’évaluation dans les services publics d’éducation

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Livre: L’évaluation dans les services publics d’éducation
Imprimé par: Visiteur anonyme
Date: samedi 23 novembre 2024, 13:56

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5.7  La gestion par résultats

La gouvernance des systèmes nationaux d’éducation se transforme selon de nouvelles conceptions du rôle de l’État dans la prestation et la gestion des services publics. Dans ce contexte, les pratiques de direction d’établissement scolaire sont en mutation. Si les directions veulent, en tant qu’actrices et acteurs professionnels de premier plan dans les transformations avancées, influencer ces transformations, elles se doivent d’en saisir la nature et les enjeux, et ce, pour le futur de l’établissement et de leur propre profession.

La Nouvelle gestion publique

La question de l’efficacité et de la qualité du service public d’éducation prend place dans ce qu’il est convenu d’appeler la Nouvelle gestion publique – NGP (new public management)[1]. À la faveur d’un mouvement initié par les administrations publiques anglo-saxonnes, les gouvernements des pays de l’OCDE ont graduellement implanté de nouvelles modalités de gestion publique visant une amélioration de la qualité des services aux citoyennes et aux citoyens par l’intermédiaire d’une gestion par résultats et le renforcement de la transparence et de l’imputabilité des diverses instances.

Ainsi, les gouvernements instituent une gestion par résultats dans leur administration publique. Dans une optique d’imputabilité et d’amélioration continue de la qualité des services aux citoyennes et aux citoyens, un contrôle a posteriori doit être exercé au regard des résultats obtenus. Le corollaire de ce contrôle est l’élaboration, par chacune des unités, d’une planification qui tient compte de la réalité dans laquelle elle œuvre et des besoins de la population qu’elle dessert. Ces dernières années, cette NGP a été graduellement implantée en à travers une succession de modifications législatives et administratives menant à :

  • l’intensification des exercices de planification stratégique à tous le paliers de gouverne;
  • des pratiques de conventions;
  • la production et la diffusion des plans d’action;
  • les pratiques de reddition de comptes.

L’ensemble de ces mesures administratives est associé à une obligation de reddition de comptes pour chacun des niveaux et de diffusion d’informations envers les citoyennes et les citoyens. Pour les unités administratives, ces nouvelles modalités de gouvernance signifient un passage d’une gestion de la conformité en fonction de normes standardisées à une gestion stratégique de leurs ressources en fonction, cette fois, de leur réalité propre. Ce passage est accompagné d’une décentralisation des responsabilités au regard des prestations de service (Rigaud, Jacob, Arsenault, Mballa, 2008). Dans leur projet de mettre davantage l’accent sur les résultats et la reddition de comptes que sur le respect des règles de procédures à suivre, les gouvernements, par une autonomie de prestation accordée aux établissements, miserait sur leur responsabilisation et sur leur potentiel d’adaptabilité et d’apprentissage.


[1] Certains auteurs avancent (Boussard, 2009 cité par Dupriez, Franquet, 2013) que l’amplification des pratiques évaluatives des performances est moins liée, dans la perspective de responsabilisation de la NGP, à une volonté d’autonomisation qu’à celle d’accroître encore plus un contrôle bureaucratique au détriment de la logique de qualification des professionnelles et des professionnels en exercice.

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Selon Mazouz, Leclerc (2008, p. 172) la gestion par résultats « c’est un cadre de gestion axé sur la vérification permanente (plus d’une année) des extrants (outputs) liés au fonctionnement général de l’organisation […]. La GPR focalise sur les résultats de l’organisation plutôt que sur les résultats individuels en accordant, selon les situations, le choix des moyens (gouvernement du Québec). L’aspect le plus positif de ce courant de pensée consiste à déléguer le pouvoir de solution en habilitant davantage les employés de première ligne (empowerment) ». Ces auteurs affirment que dans cette gestion « il ne suffit plus d’énoncer des objectifs, aussi louables qu’ils puissent être, il faut obtenir des résultats » (p. 167). Il est ici question d’engagement et d’évaluation conséquents. Pour ce faire, les auteurs sont d’avis que les gestionnaires doivent s’approprier une perspective systémique de leur organisation et de son management. À ce titre, ils proposent un Modèle intégré de gestion par résultats comportant quatre grandes compétences : « connaître l’organisation », liée aux capacités de compréhension; « manager », liée aux capacités à livrer; « adapter », liée aux capacités à échanger; « évaluer », liée aux capacités à apprendre.

L’efficacité et l’amélioration, l’évaluation et la compréhension : des approches à croiser

Dans les administrations publiques de l’éducation, la poursuite de la qualité du service par l’amélioration des résultats se manifestant par la recherche d’une réussite scolaire élargie, adopte deux tendances : soit la recherche de l’efficacité ou la recherche d’amélioration des pratiques. L’approche de l’efficacité, relevant du courant du « school effectiveness », se rapporte à des mesures quantitatives de la performance des élèves au regard de résultats d’apprentissage, le plus souvent dans des matières ciblées que sont les langues, les mathématiques et les sciences (Turcotte, 2010). Dans cette approche que Meuret et Morlaix-Aubriet (2001) qualifient de technique, l’évaluation vise à expliquer les bonnes ou les mauvaises performances à partir d’indicateurs quantitatifs standardisés établis en dehors de l’établissement. Cette approche, qui aurait le mérite de limiter les biais dus à la subjectivité des actrices et des acteurs, permet une comparaison entre les établissements.

L’approche de l’amélioration, relevant du courant de « school improvement », se rapporte à un processus de mobilisation des actrices et des acteurs de l’école au changement de pratiques, et ce, souvent en fonction d’un certain nombre de facteurs reconnus comme sources d’amélioration des résultats scolaires (Turcotte, 2010). Dans cette approche, qualifiée de participative par Meuret et Morlaix-Aubriet (2001), l’accent est moins placé sur l’élaboration d’un diagnostic « objectif » standardisé que sur la mobilisation des actrices et des acteurs dans un exercice de jugement évaluatif au regard de caractéristiques singulières de l’établissement; cet exercice étant d’emblée inscrit dans des démarches collectives d’amélioration.

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Ces deux modèles ne s’excluent pas forcément. On peut imaginer qu’une analyse globale des performances académiques de l’école soit accompagnée par des groupes de discussion sur les relations entre professeurs et élèves. On peut imaginer que les résultats d’une enquête techniquement irréprochable alimentent des discussions approfondies entre tous les partenaires. On peut même penser que la qualité de l’enquête influera sur la qualité des discussions. Cependant, au stade actuel de l’évaluation des établissements en Europe, c’est moins la complémentarité de ces modèles que leur concurrence qui l’emporte. (Meuret et Morlaix-Aubriet, 2001, p. 3)

La recherche d’une plus grande réussite :
la perspective de l’efficacité vs la perspective de l’amélioration

L’introduction de dispositifs d’élaboration et de suivi de conventions centrés sur des résultats s’inscrit dans une gestion par résultats. Ainsi prédomine le courant du « school effectiveness » autour de résultats ciblés à atteindre en fonction des priorités ministérielles établies selon des indicateurs quantitatifs de performance[1].


Comme l’indique Lessard (2010, p. 5), l’introduction d’une gestion par résultats dans les organisations scolaires « doit être et sera ouverte aux rapports avec les acteurs de première ligne ». En effet, si l’élargissement des approches de gestion par résultats apparaît pour plusieurs nécessaire en éducation, « more results base approach » (Marshall, Steeves, 2008), un enfermement autour des opérations de contrôle externe qu’elles génèrent risque d’avoir un impact limité sur les transformations effectives des pratiques[2]. Cet enfermement risque même de susciter des effets pervers; entre autres, celui d’une centration démesurée sur les « tests » et les résultats scolaires au détriment de la qualité des apprentissages réels.

Les apprentissages des élèves menant à leur réussite sont des processus complexes dans lesquels interviennent un ensemble de facteurs tant internes qu’externes à l’école. Appréhender cette réalité dans toute sa complexité demande une approche holistique, affirment Marshall et Steeves (2008), qui ne peut être enfermée uniquement dans des opérations de contrôle à partir d’indicateurs standardisés et limités. En ce sens, les courants du « school improvement » et de l’évaluation participative, faisant une large place aux actrices et aux acteurs intervenant directement auprès des élèves, apparaissent comme étant un complément essentiel dans les interventions de pilotage visant l’amélioration de la réussite des élèves. À l’approche quantitative de contrôle des résultats devrait être associée une approche compréhensive invitant les actrices et les acteurs concernés à analyser les résultats et à reconnaître les facteurs porteurs de réussite. En d'autres mots, susciter une attribution de sens individuelle et collective aux résultats obtenus et surtout nourrir un sentiment de compétence collective à l’égard de situation améliorable (Turcotte, 2010). Ainsi, seront-ils interpellés à amplifier les pratiques porteuses de réussite et à innover. Pour les établissements comptant une proportion importante d’élèves à risque d’échec, cette approche compréhensive tournée vers une coopération au changement et à l’amélioration limiterait les risques de découragement face à des résultats indiquant des niveaux de performance peu élevés.


[1] Il est à noter que les cibles prioritaires ministérielles pour lesquelles des conventions sont établies se rapportent souvent, comme c’est le cas au Québec, à une proportion restreinte des élèves, soit ceux en échec ou en risque d’abandon scolaire. Est-ce à dire que le monitorage qui sera institué entre le ministère et les commissions scolaires et celui entre les commissions et les établissements se limiteront aux résultats de ce seul groupe d’élèves? Qu’en est-il des autres cibles stratégiques des commissions scolaires et des orientations des projets éducatifs des établissements?

[2] Aux États-Unis, ce contrôle est associé à l’application de sanctions lorsque les résultats ne sont pas au rendez-vous comme c’est le cas avec la politique « No Children Left Behind » introduite en 2001.

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5.8  Rechercher l’amélioration de la qualité de l’éducation

Derrière toutes les questions relatives à la régulation et à la performance se profile une recherche d’amélioration de la qualité des services publics d’éducation, particulièrement des services offerts par les établissements d’enseignement puisqu’ils sont, au bout de la chaîne, les producteurs des succès ou des insuccès scolaires. Les pratiques et les dispositifs d’évaluation dans les établissements qui, par leur nature rétroactive, devraient être vecteurs d’amélioration de cette qualité. Attardons-nous à cerner cette notion de qualité dans le système d’éducation.

Selon Deming (1986, dans Barnabé, 1995), la qualité d’un produit ou d’un service, comme dans le cas du service d’éducation, est fonction de leur usage par la clientèle desservie. Barnabé (Ibid.) propose de distinguer les clients externes qui se situent à l’extérieur de l’organisation (parents, société, employeurs, autres ordres d’enseignement, etc.) des clients internes qui se retrouvent à l’intérieur de l’organisation. À propos des clients internes, il indique :

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Ce sont toutes les personnes, tous les départements et services ou toutes les unités administratives qui contribuent à la fabrication d’un produit ou à la fourniture d’un service. Ces clients internes deviennent des fournisseurs pour d’autres clients internes à qui ils procurent le nécessaire pour que ces derniers accomplissent plus efficacement leur travail. (Barnabé, 1995, p. 119)

La notion de client interne est particulièrement utile en éducation, notamment pour comprendre la relation client-fournisseur qui s’établit à l’intérieur du système et entre les personnes œuvrant au sein des établissements et, plus largement, des instances des ministères. Par exemple, les enseignantes et les enseignants qui travaillent dans des cycles successifs sont clients lorsqu’ils bénéficient du travail de leurs collègues du cycle précédent, alors qu’ils sont fournisseurs lorsqu’ils confient leurs élèves au cycle suivant. Barnabé (Ibid., p.122) précise que « lorsque les éducateurs comprennent bien cette relation client-fournisseur, des sentiments de confiance, de coopération et de fierté peuvent être observés ». Au niveau des établissements, ceux-ci deviennent clients des services éducatifs qui les accompagnent, car ils sont bénéficiaires de leurs services. À leur tour, ces services éducatifs sont les clients des directions générales de leur organisation.

Pour des instances régionales comme les commissions scolaires québécoises, nous illustrons ces interactions par une chaîne de qualité liant, d’un côté, les services de la commission à l’établissement et, d’une autre, les actrices et les acteurs de l’établissement entre eux dans la production d’apports successifs à destination, au bout du compte, des élèves et des parents et, indirectement, de la communauté. Dans cette chaîne, chaque entité (service, équipe, classe, actrice, acteur...) se doit de produire un résultat ayant les qualités requises afin que l’entité bénéficiaire subséquente puisse, à son tour, produire un résultat de qualité, et ainsi de suite jusqu’aux élèves qui devraient produire la réussite éducative et scolaire recherchée[1].


[1] Ajoutons à cette discussion sur la qualité des services d’éducation que bon nombre de recherches indiquent, selon une méta analyse réalisée par Scheerens et Bosker, que les variables qui ont le plus d’impacts sur les résultats des élèves et leur performance sont « les variables les plus directement connectées au processus d’apprentissage » (1997, p. 34) se rapportant à l’enseignement en classe. Dans cette perspective, un leadership des directions tourné vers l’apprentissage des élèves est aussi reconnu comme ayant un impact sur la réussite, mais celui-ci est indirect.

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Cette illustration démontre que la gestion par résultats concerne non seulement les entités et les résultats du bout de la chaîne, soit de la classe terminale de l’école, mais elle concerne chacune des entités de la chaîne qui se doivent de produire un résultat donné au profit des entités subséquentes. Ne dit-on pas que la force d’une chaîne équivaut à la force de son maillon le plus faible? Selon cette conception de chaîne de qualité, si les résultats des classes terminales et des écoles sont principalement en cause dans la reddition de comptes et les évaluations conséquentes, ces entités sont en droit d’exiger que les autres entités produisent les résultats attendus (sinon entendus) auprès de leurs destinataires, évaluent leur propre prestation à cet égard et en rendent compte.

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Illustration

Dans une commission scolaire, des rencontres sont tenues entre les enseignantes et les enseignants de la classe terminal du primaire et celles et ceux de la première classe du secondaire afin qu’ils partagent leurs préoccupations et leurs attentes réciproques et évaluent leurs collaborations, et ce, en vue d’améliorer la qualité du passage des élèves entre le primaire et le secondaire.

Voilà beaucoup d'instances qui « veillent » sur le même objet! Pourtant, seule l'école dispense des services éducatifs. Mais la loi légitime ainsi chaque palier à intervenir sur le niveau inférieur. Chacun devrait plutôt être responsable de la qualité des seuls services qu'en vertu de sa mission spécifique il est appelé à rendre en propre.

Ainsi, que le MELS s'assure de la qualité du régime pédagogique et des programmes qu'il prescrit, on lui demandera encore qu'il accorde les ressources financières nécessaires à la réalisation de la mission des écoles. Telle est sa mission propre.

Les commissions scolaires ont comme mission première d'organiser les services sur leur territoire. Cela passe par une allocation équitable des ressources humaines, matérielles et financières à chaque école. Cela touche encore l'embauche d'un personnel compétent, la gestion d'un parc immobilier adéquat, le transport scolaire efficace et un ensemble de services administratifs efficients. C'est de la qualité de ces services qu'elle doit s'assurer.

Il faut rappeler aussi que les commissions scolaires sont responsables de l'éducation des adultes et de la formation professionnelle. Elles jouent ainsi un rôle indispensable dans le développement économique. On trouve là la meilleure justification de la dimension régionale de leur territoire.

À chaque établissement, enfin, et c'est là leur responsabilité propre, on demandera avant tout de s'assurer de la qualité des services éducatifs et, au premier chef, de celle de l'enseignement, mais aussi de l'encadrement des élèves et des autres services liés à leur mission. Il leur appartiendra aussi d'en rendre compte tant aux parents qu'à leur communauté.

Proulx, J.P. Avenir des commissions scolaires – L’enjeu dépasse la question de l’argent, Le Devoir, 5 décembre 2011, http://www.ledevoir.com/societe/education/337664/avenir-des-commissions-scolaires-l-enjeu-depasse-la-question-d-argent

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Contribution des participantes et participants

Vous êtes invités à commenter et enrichir les documents par vos commentaires, des observations sur votre pratique et votre contexte de pilotage.