Les personnes s’évaluent
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Site: | Pilotage de l'établissement |
Contenu: | Pilotage de l'établissement |
Livre: | Les personnes s’évaluent |
Imprimé par: | Visiteur anonyme |
Date: | samedi 23 novembre 2024, 14:10 |
5.4 Varier les responsabilités évaluatives |
Les responsabilités accordées aux actrices et aux acteurs dans l’exercice du jugement de valeur peuvent prendre trois configurations selon le niveau d’autonomie qui leur est accordé dans l’évaluation. Voici ces trois configurations :
Les pilotes, en fonction des objets d’évaluation, de leur contexte, des actrices et des acteurs en cause accordent à ceux-ci plus ou moins d’autonomie dans l’exercice du jugement évaluatif. Le niveau d’autonomie accordé se rapporte au degré de participation qui sera consenti dans cet exercice. Au moment où l’évaluation devient « en elle-même une politique et un mode de régulation des systèmes éducatifs » (Dupriez, Franquet, 2013, p. 23), cette question de la participation à l’évaluation se pose avec acuité. Quel niveau de participation permettra d’optimiser l’impact de l’évaluation sur l’amélioration de la qualité recherchée; quel niveau de participation permettra d’optimiser l’effet établissement? À ce titre, le modèle des types de participation à la prise de décision peut être une référence pour guider les choix des pilotes au regard de la responsabilisation recherchée et du niveau de participation accordée dans l’exercice du jugement évaluatif. |
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Les membres du personnel — les enseignantes et les enseignants en particulier — dans leur ensemble ou par le biais de comités de porte-paroles seront-ils informés, consultés, codécideront-ils ou décideront-ils :
Les réponses à ces questions indiqueront le niveau de responsabilité qui sera accordé dans l’exercice du jugement évaluatif. |
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5.5 Composer avec le facteur P (personne) |
L’évaluation en tant qu’exercice de jugement sur les pratiques interpelle les personnes dans leur sentiment de compétence personnelle, dans leur agentivité; par agentivité nous entendons la « représentation qu’ont les agents de leur capacité à agir pour faire advenir les évènements souhaités » (Bronckart, 2004, cité par Bernard, 2013). Étant donné la nature de la pratique des enseignantes et des enseignants — où la réussite appartient à un tiers soit l’élève, un élève capable autant d’adhésion que de résistance - leur sentiment d’avoir la capacité d’obtenir les résultats escomptés peut être facilement ébranlé : « l’élève peut donc mettre en échec l’enseignant, sans que les compétences de ce dernier soient forcément reprochables » (Bernard, 2013, p. 56). Ce facteur de fragilité identitaire est à tenir en compte dans les interventions de pilotage de l’évaluation. Nous empruntons à Saint-Arnaud (1995) la notion du facteur P, du facteur lié aux attitudes, aux comportements et aux réactions de « la personne » à considérer dans les interactions professionnelles. Les pilotes qui interviennent pour mettre en place des pratiques et des dispositifs d’évaluation dans leur établissement, particulièrement auprès des enseignantes et des enseignants, doivent certes tenir compte de ce facteur face aux enjeux de reconnaissance, de sentiment de compétence personnelle et de construction de sens inhérents aux situations d’évaluation. La prise en compte de ces enjeux est fondamentale dans la mise en place d’exercices de jugement évaluatif propices à l’engagement et à l’amélioration des pratiques. |
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Face aux injonctions croissantes relatives à la multiplication des exercices d’évaluation, il peut être difficile pour les pilotes d’établissement de maintenir un équilibre entre une réponse à fournir à ces injonctions en termes de reddition de comptes et les nécessaires adaptations à apporter à ces exercices afin qu’ils génèrent la mobilisation des personnes à tendre vers l’amélioration recherchée.
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5.6 Développer une culture de l’évaluation |
L’évaluation s’inscrit dans un fonctionnement systémique en boucles, des boucles rétroactives d’amélioration de la qualité suscitant la régulation de l’établissement. À ce titre, le développement de pratiques et de dispositifs d’évaluation est une des préoccupations majeures des pilotes cherchant à optimiser « l’effet établissement » en fonction d’une destination donnée. Au-delà des opérations de reddition de comptes, une évaluation au service de l’amélioration est avant tout un exercice de réflexion dans l’action afin de l’infléchir vers l’amélioration des apprentissages et de l’éducation. Dans cette perspective d’amélioration, reconnue par plusieurs comme relevant davantage de la mobilisation des actrices et des acteurs et d’actions innovantes que de changements structurels, l’enjeu est le développement chez ceux-ci « d’habitudes et de moyens pour réfléchir à leurs actions » (Rochex, 1998, p. 2) : le développement d’habitudes et de pratiques d’autorégulation. Piloter l’établissement selon cette préoccupation, c’est intervenir de façon constante afin que ses actrices et ses acteurs développent cette habitude de porter, de façon explicite, un jugement individuel et collectif sur leurs actions et les effets produits sur les apprentissages des élèves. Piloter, c’est intervenir pour le développement d’une culture de l’évaluation dans l’établissement. |
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Par la culture d’évaluation, on entend le fait d’examiner en équipe les résultats des élèves, de s’interroger sur les facteurs qui les ont conditionnés, de formuler des hypothèses d’action, de les réajuster en cours de route et même de dégager de cette activité systématique ses propres besoins de perfectionnement, de telles opérations prennent place dans leur école, mais il ne s’agit pas d’un automatisme [...]. (Jobin, 2002, p. 39) |
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Dans cette perspective, l’évaluation ne porte pas uniquement sur un nombre limité d’objets en fonction des cibles conventionnées; elle concerne l’ensemble des objets d’action de l’école. Un pilotage ne devrait-il pas constamment susciter un questionnement évaluatif au regard de l’ensemble des actions de l’école pour en apprécier :
Dans une telle optique de culture d’évaluation, le questionnement et l’appréciation de la valeur des actions et de leurs résultats sont non seulement formels, avec des indicateurs précis et des collectes de données organisées, mais ils sont aussi informels à partir d’indicateurs et d’informations plus spontanément partagés. L’enjeu du pilotage du sous-système d’évaluation est la multiplication, de façon formelle et informelle, de boucles de rétroaction. Avec l’implantation d’une gestion par résultats souvent conventionnée, n’y a-t-il pas un risque de limiter les préoccupations d’évaluation des pilotes aux seuls dispositifs formels d’évaluation liés à la reddition de comptes? Cette simplification des pratiques d’évaluation s’avérerait peu appropriée à la complexité des actions de l’établissement et à la grande diversité de ses objets d’action. La visée d’amélioration de la qualité des systèmes d’éducation à travers les dispositifs formels de convention et de reddition de comptes incite certes à mieux articuler leurs composantes (indicateurs, cibles et modalités de cueillette). Toutefois, ce dispositif formel ne peut couvrir l’ensemble des actions d’un établissement. Nous pouvons même supposer que les gains d’efficacité de l’enseignement et l’augmentation de l’effet établissement, s’appuyant sur des dispositifs formels bien articulés, ne pourront pas porter fruit s’ils ne sont pas croisés avec une variété de pratiques d’évaluation informelle multipliant les boucles de rétroaction. |
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♣ Exemples de pratiques formelles : élaboration de cibles conventionnées et appréciation de l’atteinte de ces cibles; révision systématique de la politique d’encadrement des élèves; élaboration des cibles du plan de réussite et appréciation de l’atteinte de ces cibles. ♣ Exemples de pratiques informelles : un pilote interroge l’état des travaux d’un comité au regard de ses cibles auprès de certains de ses membres; un pilote assiste à la dernière réunion du comité d’organisation du bal de fin d’année afin de participer à son appréciation et à la formulation de recommandations pour le prochain bal; une pilote interroge les membres participant à une réunion sur son déroulement et son efficacité. La multiplication des pratiques formelles et surtout informelles d’évaluation générera des routines d’évaluation dans lesquelles les actrices et les acteurs éprouveront de plus en plus de confort à construire collectivement des jugements sur leurs actions. |
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