L’évaluation dans les services publics d’éducation

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5.8  Rechercher l’amélioration de la qualité de l’éducation

Derrière toutes les questions relatives à la régulation et à la performance se profile une recherche d’amélioration de la qualité des services publics d’éducation, particulièrement des services offerts par les établissements d’enseignement puisqu’ils sont, au bout de la chaîne, les producteurs des succès ou des insuccès scolaires. Les pratiques et les dispositifs d’évaluation dans les établissements qui, par leur nature rétroactive, devraient être vecteurs d’amélioration de cette qualité. Attardons-nous à cerner cette notion de qualité dans le système d’éducation.

Selon Deming (1986, dans Barnabé, 1995), la qualité d’un produit ou d’un service, comme dans le cas du service d’éducation, est fonction de leur usage par la clientèle desservie. Barnabé (Ibid.) propose de distinguer les clients externes qui se situent à l’extérieur de l’organisation (parents, société, employeurs, autres ordres d’enseignement, etc.) des clients internes qui se retrouvent à l’intérieur de l’organisation. À propos des clients internes, il indique :

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Ce sont toutes les personnes, tous les départements et services ou toutes les unités administratives qui contribuent à la fabrication d’un produit ou à la fourniture d’un service. Ces clients internes deviennent des fournisseurs pour d’autres clients internes à qui ils procurent le nécessaire pour que ces derniers accomplissent plus efficacement leur travail. (Barnabé, 1995, p. 119)

La notion de client interne est particulièrement utile en éducation, notamment pour comprendre la relation client-fournisseur qui s’établit à l’intérieur du système et entre les personnes œuvrant au sein des établissements et, plus largement, des instances des ministères. Par exemple, les enseignantes et les enseignants qui travaillent dans des cycles successifs sont clients lorsqu’ils bénéficient du travail de leurs collègues du cycle précédent, alors qu’ils sont fournisseurs lorsqu’ils confient leurs élèves au cycle suivant. Barnabé (Ibid., p.122) précise que « lorsque les éducateurs comprennent bien cette relation client-fournisseur, des sentiments de confiance, de coopération et de fierté peuvent être observés ». Au niveau des établissements, ceux-ci deviennent clients des services éducatifs qui les accompagnent, car ils sont bénéficiaires de leurs services. À leur tour, ces services éducatifs sont les clients des directions générales de leur organisation.

Pour des instances régionales comme les commissions scolaires québécoises, nous illustrons ces interactions par une chaîne de qualité liant, d’un côté, les services de la commission à l’établissement et, d’une autre, les actrices et les acteurs de l’établissement entre eux dans la production d’apports successifs à destination, au bout du compte, des élèves et des parents et, indirectement, de la communauté. Dans cette chaîne, chaque entité (service, équipe, classe, actrice, acteur...) se doit de produire un résultat ayant les qualités requises afin que l’entité bénéficiaire subséquente puisse, à son tour, produire un résultat de qualité, et ainsi de suite jusqu’aux élèves qui devraient produire la réussite éducative et scolaire recherchée[1].


[1] Ajoutons à cette discussion sur la qualité des services d’éducation que bon nombre de recherches indiquent, selon une méta analyse réalisée par Scheerens et Bosker, que les variables qui ont le plus d’impacts sur les résultats des élèves et leur performance sont « les variables les plus directement connectées au processus d’apprentissage » (1997, p. 34) se rapportant à l’enseignement en classe. Dans cette perspective, un leadership des directions tourné vers l’apprentissage des élèves est aussi reconnu comme ayant un impact sur la réussite, mais celui-ci est indirect.

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Cette illustration démontre que la gestion par résultats concerne non seulement les entités et les résultats du bout de la chaîne, soit de la classe terminale de l’école, mais elle concerne chacune des entités de la chaîne qui se doivent de produire un résultat donné au profit des entités subséquentes. Ne dit-on pas que la force d’une chaîne équivaut à la force de son maillon le plus faible? Selon cette conception de chaîne de qualité, si les résultats des classes terminales et des écoles sont principalement en cause dans la reddition de comptes et les évaluations conséquentes, ces entités sont en droit d’exiger que les autres entités produisent les résultats attendus (sinon entendus) auprès de leurs destinataires, évaluent leur propre prestation à cet égard et en rendent compte.

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Illustration

Dans une commission scolaire, des rencontres sont tenues entre les enseignantes et les enseignants de la classe terminal du primaire et celles et ceux de la première classe du secondaire afin qu’ils partagent leurs préoccupations et leurs attentes réciproques et évaluent leurs collaborations, et ce, en vue d’améliorer la qualité du passage des élèves entre le primaire et le secondaire.

Voilà beaucoup d'instances qui « veillent » sur le même objet! Pourtant, seule l'école dispense des services éducatifs. Mais la loi légitime ainsi chaque palier à intervenir sur le niveau inférieur. Chacun devrait plutôt être responsable de la qualité des seuls services qu'en vertu de sa mission spécifique il est appelé à rendre en propre.

Ainsi, que le MELS s'assure de la qualité du régime pédagogique et des programmes qu'il prescrit, on lui demandera encore qu'il accorde les ressources financières nécessaires à la réalisation de la mission des écoles. Telle est sa mission propre.

Les commissions scolaires ont comme mission première d'organiser les services sur leur territoire. Cela passe par une allocation équitable des ressources humaines, matérielles et financières à chaque école. Cela touche encore l'embauche d'un personnel compétent, la gestion d'un parc immobilier adéquat, le transport scolaire efficace et un ensemble de services administratifs efficients. C'est de la qualité de ces services qu'elle doit s'assurer.

Il faut rappeler aussi que les commissions scolaires sont responsables de l'éducation des adultes et de la formation professionnelle. Elles jouent ainsi un rôle indispensable dans le développement économique. On trouve là la meilleure justification de la dimension régionale de leur territoire.

À chaque établissement, enfin, et c'est là leur responsabilité propre, on demandera avant tout de s'assurer de la qualité des services éducatifs et, au premier chef, de celle de l'enseignement, mais aussi de l'encadrement des élèves et des autres services liés à leur mission. Il leur appartiendra aussi d'en rendre compte tant aux parents qu'à leur communauté.

Proulx, J.P. Avenir des commissions scolaires – L’enjeu dépasse la question de l’argent, Le Devoir, 5 décembre 2011, http://www.ledevoir.com/societe/education/337664/avenir-des-commissions-scolaires-l-enjeu-depasse-la-question-d-argent

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