Les personnes s’évaluent

5.6  Développer une culture de l’évaluation

L’évaluation s’inscrit dans un fonctionnement systémique en boucles, des boucles rétroactives d’amélioration de la qualité suscitant la régulation de l’établissement. À ce titre, le développement de pratiques et de dispositifs d’évaluation est une des préoccupations majeures des pilotes cherchant à optimiser « l’effet établissement » en fonction d’une destination donnée. Au-delà des opérations de reddition de comptes, une évaluation au service de l’amélioration est avant tout un exercice de réflexion dans l’action afin de l’infléchir vers l’amélioration des apprentissages et de l’éducation. Dans cette perspective d’amélioration, reconnue par plusieurs comme relevant davantage de la mobilisation des actrices et des acteurs et d’actions innovantes que de changements structurels, l’enjeu est le développement chez ceux-ci « d’habitudes et de moyens pour réfléchir à leurs actions » (Rochex, 1998, p. 2) : le développement d’habitudes et de pratiques d’autorégulation.

Piloter l’établissement selon cette préoccupation, c’est intervenir de façon constante afin que ses actrices et ses acteurs développent cette habitude de porter, de façon explicite, un jugement individuel et collectif sur leurs actions et les effets produits sur les apprentissages des élèves. Piloter, c’est intervenir pour le développement d’une culture de l’évaluation dans l’établissement.

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Par la culture d’évaluation, on entend le fait d’examiner en équipe les résultats des élèves, de s’interroger sur les facteurs qui les ont conditionnés, de formuler des hypothèses d’action, de les réajuster en cours de route et même de dégager de cette activité systématique ses propres besoins de perfectionnement, de telles opérations prennent place dans leur école, mais il ne s’agit pas d’un automatisme  [...]. (Jobin, 2002, p. 39)

Dans cette perspective, l’évaluation ne porte pas uniquement sur un nombre limité d’objets en fonction des cibles conventionnées; elle concerne l’ensemble des objets d’action de l’école. Un pilotage ne devrait-il pas constamment susciter un questionnement évaluatif au regard de l’ensemble des actions de l’école pour en apprécier :

  • leur efficacité au regard des résultats;
  • leur efficience au regard des ressources imparties;
  • leur pertinence au regard de la cohérence entre les objectifs poursuivis et les finalités de l’établissement?

Dans une telle optique de culture d’évaluation, le questionnement et l’appréciation de la valeur des actions et de leurs résultats sont non seulement formels, avec des indicateurs précis et des collectes de données organisées, mais ils sont aussi informels à partir d’indicateurs et d’informations plus spontanément partagés. L’enjeu du pilotage du sous-système d’évaluation est la multiplication, de façon formelle et informelle, de boucles de rétroaction. Avec l’implantation d’une gestion par résultats souvent conventionnée, n’y a-t-il pas un risque de limiter les préoccupations d’évaluation des pilotes aux seuls dispositifs formels d’évaluation liés à la reddition de comptes? Cette simplification des pratiques d’évaluation s’avérerait peu appropriée à la complexité des actions de l’établissement et à la grande diversité de ses objets d’action. La visée d’amélioration de la qualité des systèmes d’éducation à travers les dispositifs formels de convention et de reddition de comptes incite certes à mieux articuler leurs composantes (indicateurs, cibles et modalités de cueillette). Toutefois, ce dispositif formel ne peut couvrir l’ensemble des actions d’un établissement. Nous pouvons même supposer que les gains d’efficacité de l’enseignement et l’augmentation de l’effet établissement, s’appuyant sur des dispositifs formels bien articulés, ne pourront pas porter fruit s’ils ne sont pas croisés avec une variété de pratiques d’évaluation informelle multipliant les boucles de rétroaction.

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♣  Exemples de pratiques formelles : élaboration de cibles conventionnées et appréciation de l’atteinte de ces cibles; révision systématique de la politique d’encadrement des élèves; élaboration des cibles du plan de réussite et appréciation de l’atteinte de ces cibles.

♣  Exemples de pratiques informelles : un pilote interroge l’état des travaux d’un comité au regard de ses cibles auprès de certains de ses membres; un pilote assiste à la dernière réunion du comité d’organisation du bal de fin d’année afin de participer à son appréciation et à la formulation de recommandations pour le prochain bal; une pilote interroge les membres participant à une réunion sur son déroulement et son efficacité.


La multiplication des pratiques formelles et surtout informelles d’évaluation générera des routines d’évaluation dans lesquelles les actrices et les acteurs éprouveront de plus en plus de confort à construire collectivement des jugements sur leurs actions.

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Illustration

Lorsqu’une approbation est sollicitée à propos d’une activité extraordinaire, il est d’usage de formuler, dans la proposition soumise par les enseignantes et les enseignants, des signes de succès à observer dans cette activité et de les lier aux finalités du projet éducatif de l’école. À la suite de la réalisation de l’activité, ces enseignantes et ces enseignants font rapport de l’activité à partir d’une appréciation de celle-ci selon les signes de succès avancés