Le pilotage pour relier et réussir


1.5  Piloter, c'est relier

L’organisation est l’agencement des relations entre composantes ou individus qui produisent une unité complexe organisée, ou système, dotée d’une relative autonomie.

Edgar Morin

Nous postulons que l’établissement s’organise en liant entre elles ses composantes animées et inanimées. Dans cette dynamique de «reliance» (Morin, 2004)  l’établissement est vu comme un tout auto-organisé liant ses composantes afin de produire des activités éducatives propres à sa mission. Piloter un établissement d’enseignement c’est y exercer un leadership qui relie ces composantes animées et inanimées afin qu’émerge une organisation  éducative  visant à optimiser  les apprentissages des élèves. Le système de pilotage est conçu à partir de cette posture. 

 

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L’établissement s’auto-organise en liant d’une façon qui lui est propre l’ensemble de ses composantes : ses élèves, ses enseignantes et enseignants et ses autres membres du personnel, un programme, un projet, des activités, des règles, des ressources… les parents, les organismes partenaires… Les pilotes interviennent pour optimiser l’aménagement de ce tissage relationnel - son organisation - pour faire apprendre.

L’établissement vu comme un organisme vivant  

Nous voyons l’établissement comme un organisme vivant qui produit un service de scolarisation en aménageant et réaménageant de façon continue les liens entre ses composantes en fonction de son ultime finalité : faire apprendre les élèves. Il produit ce service en reliant ses actrices et acteurs - élèves, enseignants et enseignantes, intervenantes et intervenants, directions…- ainsi que ses composantes non animées – programme, règles, politiques, idées, ressources, résultats, contexte politique… - selon un aménagement organisationnel, une organisation qui lui est propre. À travers cette dynamique interactive de liaison, qu’Edgar Morin nomme « reliance » (2004), l’établissement s’auto-organise en fonction de l’environnement particulier dans lequel il œuvre. Cet environnement est source d’informations que ses actrices et acteurs interprètent pour décider et agir, en d’autres mots pour s’organiser (Maggi, 2003), dit autrement pour s’auto-organiser

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« L’organisation est dans le processus, c’est ce qui est en train de se construire et de se déconstruire via l’interaction entre les personnes. » (Vidiallet, 2003, p 6)

Les membres de la direction participent à cette dynamique interactive d’aménagement et de réaménagement de liens d’organisation. Ils ne la contrôlent pas de façon mécanique à coup de suggestions, de préconisations ou de directives. En d’autres mots, ils n’organisent pas l’établissement, ils participent en fonction de leurs pouvoirs et de leurs responsabilités, avec ses autres actrices et acteurs, à son organisation. À partir de reliances créées, suscitées, entretenues ou même stimulées, ils interviennent dans son auto-organisation.  Leur mandat est de mener des actions qui, couplées de façons interactives (Varela, 1989) avec les actions des autres actrices et acteurs de l’école, « feront émerger des configurations d’organisation et des dynamiques constitutives opportunes à la poursuite de sa mission » (Boyer, 2000, p. 82). Pour faire image, nous pouvons dire, comme Probst (1987) l’évoque, qu’ils «organisent l’auto-organisation» de l’établissement.

L’encadrant aurait donc intérêt à se prendre pour une «planche de surf», sur des vagues qu'il ne provoque qu'en partie, plutôt que de se positionner en «locomotive». Il  devrait apprendre à vivre avec cette idée que ce n'est pas lui qui décide, mais les événements, les dynamiques, la manière souvent inattendue dont la «mayonnaise» prend ou ne prend pas. Il devrait apprendre à appeler «décision» la consécration officielle d'un état de fait,  à la manière de ce gouvernement affirmant : «puisque ces évènements nous échappent, feignons de les organiser». Il devrait enfin apprendre à conjuguer les réflexions et les actions à court, moyen et long terme, et  savoir que dans une longue bataille, seule la «fin couronne l'oeuvre » (Clausewitz). (Mispelblom Beyer, 2015, p.281).