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L’établissement en état de veille stratégique


                                                

7.1  Rechercher l’efficacité de l’enseignement

À l’aire de la « nouvelle gestion publique »[1], nos systèmes scolaires, en tant que composante d’une administration publique en transformation, est à l’heure de l’efficacité. Ils doivent atteindre des résultats probants de leur efficacité tant au niveau des ministères, des organisations régionales, que des établissements locaux. Au niveau de l’établissement, on parle d’un effet enseignant conjugué à un effet établissement capables d’infléchir l’effet de composition des groupes d’élèves (caractéristiques socio-économico-culturelles) et du défi d’une réussite scolaire distribuée plus équitablement. Dans cette « nouvelle gestion publique », chaque entité doit faire montre d’un pilotage garant de résultats convenus. Le passage d’une « gestion de conformité », fondée sur des programmes d’actions à appliquer, à une « gestion par résultats », fondée sur une autonomie d’action générant les résultats recherchés, sollicite un pilotage éclairé d’informations tant sur les situations dans lesquelles les entités doivent œuvrer que sur les résultats effectifs qu’ils obtiennent. Les établissements sont convoqués, comme nous l’indique Bouvier, non plus à obéir, mais à réussir (Bouvier, 2007). Il ajoute que pour les établissements, « il s’agit de plus rendre compte pour mieux se rendre compte » (p. 231).


[1] Selon plusieurs critiques, ce passage à la « nouvelle gestion publique », au New Public Management avec ses fondements souvent associés à un néolibéralisme planétaire assujetti aux lois du marché, entraîne les systèmes d’éducation à s’enfermer dans des mesures d’efficacité quantifiable répondant davantage aux diktats d’une économie de l’emploi qu’à une mission liée au développement de la citoyenneté et de la culture dont les avancées se mesureraient difficilement. Ces critiques invitent les administrations de l’éducation, comme l’indique Gilbert (2009), à une « posture précautionneuse » afin d’éviter de ramener les actions publiques à un simple instrument d’atteinte de résultats arbitrairement établis.

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Un pilotage pédagogique

La question de l’efficacité de l’enseignement est d’actualité dans les systèmes scolaires nationaux. Depuis les années 60, les études se succèdent afin d’identifier les déterminants d’une école à succès. Dans les déterminants les plus souvent identifiés, après la qualité de l’enseignement en classe qui est reconnue la plus marquante, c’est le leadership pédagogique, assumé en bonne partie par la direction, qui apparaît comme ayant le plus d’impact sur l’efficacité (Leitwood et al, 2004). Le rôle pédagogique d’une direction peut être interprété comme se rapportant uniquement aux actions directement liées aux pratiques d’enseignement en classe : suivi des activités de classe, supervision des enseignantes et des enseignants, vérification de la correspondance des contenus d’enseignement avec le programme, suivi de la qualité des activités d’évaluation… Dans cette perspective, ce rôle pédagogique se limiterait aux interventions d’encadrement et d’accompagnement des enseignantes et des enseignants. Les autres activités d’une direction d’établissement seraient de nature strictement « administrative » sans lien avec la pédagogie en classe. À ce titre, bon nombre de directions se plaignent que les contraintes administratives avec lesquelles elles doivent composer les accaparent et permettent peu, ou pas, d’agir sur la « pédagogie » pratiquée dans l’école. Au-delà d’une certaine critique envers une bureaucratie qui multiplie les contraintes cléricales, n’y aurait-il pas dans cette distinction entre, d’une part, « le pédagogique » et, d’autre part, « l’administratif », un refus d’entrer dans une conception large de la gestion de l’éducation où l’ensemble des pratiques de management serait reconnu comme ayant une incidence sur les apprentissages des élèves : « un modèle de direction au service des apprentissages des élèves » (Endrizzi, Thibert, 2012)? Dans cette conception, une direction lie entre elles les différentes dimensions de sa pratique, de la gestion des ressources financières et matérielles à celles des ressources humaines en passant par la gestion des activités éducatives et de l’enseignement en fonction de la finalité de l’école, soit l’apprentissage des élèves. Par le pilotage qu’elle opère, la direction orchestre le tout à la faveur de cette finalité. Nous pourrions alors parler d’un pilotage éducatif et pédagogique.

Nous l’avons vu dans le sous-système de pilotage de la finalisation, l’orchestration des finalités de l’école, en tant que tout, et de chacune de ses parties est un gage de cohérence et, lorsque ces finalités sont établies au regard des apprentissages des élèves, cette cohérence est aussi un gage d’efficacité. À partir des choix stratégiques établis dans le cadre du projet éducatif de l’école, comprenant les cibles conventionnées ou pas, les interventions de pilotage assurent que les ressources investies et les activités réalisées dans l’école concourent ensemble à l’atteinte des cibles d’apprentissage.

Une direction qui pilote la dynamique d’organisation de son établissement est une direction dont « l’administratif » est, d’une façon ou d’une autre, « éducatif et pédagogique ».

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Un pilotage est avant tout un acte de veille, une attention portée sur l’état de la situation dans laquelle les opérations sont effectuées, sur ces opérations et sur les résultats obtenus. En ce sens, cette veille est associée à une évaluation continue. Selon notre modèle de pilotage, cette veille, s’insérant au cœur de la communication organisationnelle, fournit les informations requises pour l’évaluation en fonction des finalités et alimente l’intelligence de la situation, cette intelligence nourrissant la conception et les choix d’options dans le cadre des décisions à prendre.

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